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Victoria Kovalev

La semaine dernière, je vous ai dévoilé le portrait de Nicolas Carteron, un jeune auteur prolifique découvert sur les réseaux sociaux.

Nicolas CarteronEn planifiant son interview, je me suis lancée dans la lecture de son dernier roman : Victoria Kovalev. Une histoire pleine de suspens et de rebondissements entre adultères, homosexualité, proxénétisme, affaires frauduleuses… et je ne vous en dis pas plus.

On est loin du conte de fée. L’héroïne d’ailleurs n’a rien d’attachant. Nombriliste, ni mère poule, ni épouse modèle, pas franchement perspicace et peu maligne, elle a tout de la femme qui cherche à paraitre, à être aimée, plus focalisée sur son nombre de followers que sur ses proches. Des traits de caractère qui la conduisent aveuglément dans un imbroglio infernal, et le lecteur à sa suite.

Le suspens prime sur l’émotion, l’auteur ayant choisi de nous dire plutôt que de nous faire ressentir.  C’est le nombre de rebondissements et l’imagination de l’auteur qui nous tiennent en haleine. Mais comment va-t-elle s’en sortir ? Qui détient le nœud de l’affaire ? Je ne vous dévoilerai rien même sous la torture.

Dans ce récit qui nous transporte du sud au nord de la France en quelques va et vient,  l’auteur ne mégote pas sur les coups de théâtre, jusqu’au dénouement, et c’est bien ce qui fait le charme de ce roman.

Difficile pour moi, après avoir découvert Nicolas comme un confrère de l’écriture, de ne pas appréhender son roman en tant qu’auteure et d’y chercher les aspérités si compliquées à éviter pour les écrivains en devenir que nous sommes. J’en ai trouvées inévitablement et je souhaite de tout cœur à Nicolas qu’un éditeur, un vrai qui fait bien son boulot  ,  soit conquis par son talent de conteur et l’aide à polir son œuvre pour en révéler le meilleur.

L’important est ailleurs, dans l’aventure elle-même, celle de Victoria Kovalev, et je peux vous dire que je n’aimerais pas me trouver à sa place ! A celle du lecteur en revanche, j’en redemande.

 

 

Nicolas Carteron

Portrait d’auteur #1

Il court, il court, Nicolas. J’avais hâte de le rencontrer mais il n’a pas été facile à attraper. Et puis un jour mon téléphone a sonné.

Nicolas Carteron

Je n’ai appris sa performance au marathon de Paris qu’après l’évènement il y a quelques semaines. Mais c’est surtout dans sa vie de tous les jours qu’il se presse, entre un nouveau boulot auquel je n’ai pas compris grand-chose, sa vie de famille et la promotion de son tout nouveau roman. J’ai eu du mal mais j’ai fini par le saisir ce Picard installé depuis peu dans le sud de la France ! On a discuté comme deux vieux potes, parce qu’il est très sympa figurez-vous et que j’avais bien des questions à lui poser.

Pages noircies

Lui, c’est Nicolas Carteron. Nico pour les intimes. Six romans publiés à son actif, le Prix spécial de la nouvelle de Nemours décroché à ses débuts, une vraie communauté de fans, un tiroir rempli d’œuvres non publiées, et seulement trente-trois ans !
Je l’ai connu par les réseaux sociaux. Quand j’ai cherché à améliorer mon blog et ma communication d’auteure plus largement, avec quelques déboires dont je vous ai parlé, j’ai recherché sur Internet des auteurs un peu plus 3.0 que moi, et je suis tombée sur Nicolas.

Fans à l’affût

À peine m’étais-je mise à le suivre sur Instagram qu’une de ses admiratrices me contactait pour m’encourager à lire du Carteron. Quelques jours plus tard, c’est Nicolas lui-même qui m’envoyait un message de bienvenue. J’étais scotchée !
Il est comme ça, Nicolas Carteron, proche de ses lecteurs qui le lui rendent bien. Les réseaux sociaux regorgent de messages dithyrambiques sur ses romans.
Il l’avoue humblement, c’est grâce à ses soutiens qu’il a pu se forger en tant qu’écrivain. Par l’entremise du Web, une communauté de lecteurs s’est constituée dès la publication de son premier roman il y a douze ans déjà et n’a cessé de croître. Sans eux, sans leurs retours, sans l’énergie qu’ils lui apportent, il n’aurait peut-être pas trouvé la force de poursuivre son travail de romancier avec autant d’ardeur.

Fiction pour vocation

Sa passion pour l’écriture l’habite depuis son enfance, dévorante dit-il, et la reconnaissance que lui a apportée son Prix a conforté sa vocation. Le trophée en main, il a compris que ses écrits pouvaient plaire. Sans euphorie ni prétention. Sa légitimité en tant qu’écrivain est une tunique trop large pour lui. Un terme tellement noble, qui fait référence aux grands écrivains qu’ils admirent mais dont il se sent bien loin. « On ne joue pas dans la même cour », dit-il modestement. Il préfère se dire romancier. On sent encore poindre le syndrome de l’imposteur. Romancier donc, il espère « la petite étincelle » qui lui permettrait de toucher un plus grand nombre
de lecteurs, même si ses livres se vendent déjà bien. Elle pourrait venir avec du travail et un peu de chance, mais « on n’en est pas maître », dit-il.

Une œuvre déjà consistante

À ses débuts, son style était comparé par certains à celui de Musso ou de Levy, puis à Bussi et Delacourt, et maintenant à plus personne s’amuse-t-il. Certainement a-t-il trouvé le sien tout simplement, en explorant différents registres. D’ailleurs quand je lui demande quel est le sens de son œuvre, ses obsessions en tant qu’écrivain comme on a coutume de dire, il hésite.
Le fil conducteur il le voit dans les personnages qu’on retrouve d’un opus à l’autre. Pour le reste, il dit traiter les thèmes qui l’interpellent sur le plan personnel et qui évoluent au fur et à mesure de sa propre maturation : la quête d’identité dans son troisième roman, celle du bonheur dans ses quatrième et cinquième, l’adultère dans les deux derniers…
Son livre majeur, il ne l’a pas encore écrit. Il n’a pas atteint la maturité nécessaire pour
l’aboutissement littéraire qu’il devrait représenter, m’assure-t-il. Mais de roman en roman, son style et la profondeur de ses personnages s’affirment, il le sent bien et ses fans, toujours plus fans, sont les premiers à le lui confirmer.
Il vient juste de passer la trentaine, je le rappelle, et déjà publié six romans. À ce rythme, on sent la petite merveille arriver. Peut-être même qu’un grand éditeur l’accueillera prochainement dans son écurie.

En attendant l’étincelle

Pour le moment, il s’autoédite, après avoir pour ses quatre premiers romans connu la difficulté d’être assujetti à un petit éditeur qui n’avait ni la même vision ni les mêmes projets que les siens. « Ça n’en valait pas la peine ». Maintenant il se débrouille seul avec l’aide de proches pour le graphisme, les corrections, la promotion. Des libraires qui l’ont connu à ses débuts continuent à lui proposer des séances de dédicaces. La promo, il doit la mettre un peu de côté ces derniers temps pour se consacrer à son nouveau job. Il faut bien qu’il bosse tant que ses livres ne lui permettent pas d’en vivre assez bien.

Bon moment à passer

Très occupé, Nicolas, je vous le disais. C’est sur sa pause repas qu’il a dû rogner pour m’accorder un peu de disponibilité. Même s’il m’avait assuré prendre le temps nécessaire, je n’ai pas eu le cœur à le priver pour de bon de déjeuner malgré toutes mes questions restées en suspens et celles qui affluaient sans arrêt. J’ai paré au plus utile en lui demandant ce qui pouvait donner, à mes lecteurs, envie de le lire. La diversité, a-t-il répondu avant d’expliquer : Puisqu’il a exploré différents registres littéraires, chacun
trouvera forcément dans l’un de ses six romans ce qui lui plait : introspection, fantastique, suspens, amour… et surtout, espère-t-il, passera un bon moment avec des personnages hauts en couleur.
Victoria kovalev Moi j’ai déjà choisi : c’est son petit dernier, Victoria Kovalev qui m’a attirée. Il s’agit d’une trentenaire qui part s’installer dans le sud après avoir vécu en Île-de-France (ça ne vous rappelle par quelqu’un ?). Son mari fait les allers-retours, découche un ou deux soirs par semaine jusqu’à ce qu’un jour, il ne rentre pas. Victoria va enquêter. Et quand on creuse dans l’intimité d’une personne, même si on croit la connaître par cœur, on découvre forcément des choses…
Le dénouement s’annonce surprenant, saisissant même, selon les témoignages des lecteurs sur les réseaux sociaux. « C’est ce qu’ils disent, tu verras » esquive son auteur. Un retournement en guise d’au revoir, c’est un peu sa marque de fabrique, si j’ai bien compris.

Un 7 e à venir

Un nouveau roman en cours ? Pas encore. Il a bien deux ou trois idées en tête mais qu’il doit approfondir avant d’en choisir une. Et avec la promo de Victoria Kovalev, « ce n’est décidément pas le moment ».
Une question me taraudait en tant qu’auteure que je n’ai pu m’empêcher de poser même si l’heure tournait : « Tu te laisses porter par l’écriture ou tu prévois tout le scénario en avance ? ». C’est bien ce que je pensais, il est du style organisé, lui. Il planifie d’avance tous les rebondissements mais ne s’interdit pas de garder ou même de substituer à d’autres des scènes qu’il n’avait pas envisagées et qui sont spontanément venues se greffer. Ah quand même ! Moi qui ne parviens pas à organiser d’avance mon récit, qui me laisse toujours surprendre par des évènements inattendus, il allait finir
par me donner des complexes.

Je veux savoir !

Sa pause s’achevait, je l’ai laissé partir vers un probable sandwich, tandis que je décidais de reporter mon déjeuner, préférant m’installer confortablement pour poursuivre ma lecture de Victoria Kovalev. J’avais résisté à lire en avance les dernières pages mais cet échange n’avait fait qu’aiguiser ma curiosité ; il fallait que je sache !

Et comme maintenant ma curiosité est satisfaite, je vous parlerai de ce roman dans une prochaine chronique (sans rien spoiler évidemment 😊). Suivez mon blog !

Références :
Portrait de Nicolas Carteron écrit par Fabienne Vincent-Galtié, auteure (d’après une interview réalisée en mai 22).

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Trompe l’oeil

En supprimant des photos de mon téléphone dont la vieillesse croule sous tant d’octets, je suis tombée sur cette page de magazine. Je sais l’avoir photographiée en décembre dernier, c’est le téléphone qui me le dit, dans un magazine dont j’ignore désormais le nom et la date de sortie.

Trompe l’oeil mural

La photo est mauvaise. Il faut y voir, j’y vois en tout cas, un mur peint autour d’une porte-fenêtre, de façon à ce que la fenêtre simule l’écran d’un appareil photo numérique. Je ne sais plus vraiment pourquoi j’ai pris cette photo. J’aime la peinture et les trompe l’oeil il est vrai.

Dans mon studio d’étudiante, en des temps préhistoriques, j’avais peint un arbre sur le mur de la salle de bain et remplacé le feuillage par un collage de fleurs découpés dans des catalogues. Un jour, la baignoire de l’appartement du dessus a débordé, mon arbre a cloqué et la moue du peintre dépêché par l’assureur a sonné le glas de l’arbre. Le mur a retrouvé sa blancheur et je n’ai pas tardé à quitter les lieux.

Détournement

J’aime encore plus les détournements, quand l’artiste construit une oeuvre autour d’un élément existant. Parfois, il ne faut pas grand-chose. Le concept n’a rien de nouveau, mais l’imagination n’ayant pas de limite, la surprise est souvent au rendez-vous.

Dans ce détournement pictural, c’est la dimension de l’oeuvre qui m’a interpellée je crois. Parce qu’elle nous entraîne avec elle dans le coeur de l’appareil photo pour passer de l’autre côté. Du photographe au photographié, en un changement de point de vue.

La fiction, un trompe l’oeil

Je ne peux m’empêcher d’y voir un parallèle avec l’écriture de romans quand la vérité de l’auteur métamorphose la réalité, quand il enrobe, transforme, sublime, défigure des éléments existants pour les besoins de sa fiction. Pour entrainer le lecteur dans son univers comme Roberto Romano nous emmène sur sa terrasse.

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Si comme moi cette porte particulière vous a touché, l’avez-vous été (le serez-vous) par celle-ci ? la porte ouverte du Parc Floral (chronique du mois dernier)

Gare déserte

La gare de Cahors un mardi de mai, quelques minutes seulement avant l’arrivée du train de 23h12 en provenance de Paris.
Une gare vide.
Hall fermé. Quais déserts.
Pas même un chat qui traîne, un papillon qui voltige.
Immobilité à perte de vue.




On pourrait imaginer un homme, ou une femme, arpentant le quai, seul.e,
attendant on ne sait quoi, on ne sait qui, peut-être rien d’autre que de fuir de sombres pensées,
une ombre planant, large, couvrante, menaçante,
un cri déchirant,
et puis plus rien que la nuit ;
un train fantôme qui passe le long du dernier quai et disparaît au loin
ou encore un train chargé à bloc qui s’arrête et se déverse soudainement, donnant à cette petite gare, un air de Châtelet-Les Halles un samedi soir,
une fête qui s’installe avec sono, bières et kebab…

On pourrait imaginer bien des choses, je pourrais m’en donner à cœur joie dans une fiction.
Peut être un jour, mais pas celui-ci. Je vous laisse la main ! N’hésitez pas à déposer votre texte, même mini, même ébauché en commentaire. Je suis impatiente !

Un peu moins déserte, matinale, la gare d’Austerlitz m’a inspiré récemment une micro-nouvelle. Pour la relire ou la découvrir, c’est par ici.

Vieux miroir

Miroir au tain fané

Miroir terni
Immense, autrefois majestueux
Le tain piqué d’innombrables tâches de vieillesse
Il en a vu passer des silhouettes
se regardant dans son eau
Celles qui doutaient, celles qui s’aimaient
D’autres qui filaient devant lui sans même le voir, sans même se voir.
Pressées ou indifférentes.
Il a vu bien des tables, des canapés, des papiers peints et des tapis,
Changé de lieu plusieurs fois
Il en a aimé certains plus que d’autres
Des gens aussi.
C’est la vie.
Aujourd’hui il est fatigué.
Son tain s’obscurcit toujours plus
Il ne réfléchit plus guère,
n’a plus à tête à ça.
Un antiquaire pourrait le rajeunir
Lui offrir une seconde vie
À quoi bon ? la première a été riche
Il attend son heure
Inutile, serein, ridé.
On le laisse tranquille,  jusqu’à ce que quelqu’un décide qu’il n’est plus bon à rien et le mette au rebut.
Ça viendra un jour.
En attendant Il continue à observer la vie, les gens
Immuable et muet, ignorant son âge.
Il sait juste qu’il est bien vieux, las
Mais que la vie est intéressante à regarder.
Alors de son œil cataracté, il veille la vie qui passe.

Vieux miroir

En entrant chez mon fils, ce miroir aussi défraîchi qu’imposant m’a tout de suite frappé. Parce qu’il renvoie une image troublée, parce qu’il parait si vieux que bien des vies ont dû passer devant ses yeux, il m’a donné envie d’écrire ces quelques mots.

l'homme et le chien

Max et Johnny

Mon chien, c’est ma vie ! Il s’appelle Johnny. Plutôt comme Depp qu’Halliday.

C’est moi qui l’ai choisi ce nom, parce qu’il a le dessous des yeux noirci comme Jack Sparrow. C’est ses yeux que j’ai vus en premier, des yeux qui disaient « je vais t’en faire voir de toutes les couleurs, mais on deviendra inséparables ! » Il n’arrêtait pas de bouger la queue, de renifler, de secouer la tête, de marcher… Toujours en mouvement, comme un rockeur ! Alors Johnny, Halliday ou Depp, ça lui va bien, même si je préfère l’allusion à Depp, pour ses yeux, je me répète.

Et c’est pour ça que je l’ai adopté, pour qu’il mette du rythme dans ma vie.

La rencontre

Au petit matin, un jour de janvier, je l’ai aperçu dans ma rue. Jeune encore mais déjà les yeux charbonneux et animé d’une agitation permanente. Je lui ai demandé ce qu’il fichait là, il m’a ignoré.

Quelques jours plus tard, j’ai à nouveau croisé son regard. Toujours fier, un brin rebelle. Mais il m’a semblé plus maigre. Ça lui allait bien d’ailleurs. Son côté rock sans doute.

Et puis un troisième jour. Encore plus maigre, et blessé à la patte. Et là, ça ne lui allait plus du tout.

Je me suis approché et il m’a laissé lui flatter l’encolure. Un geste que je n’aurais jamais tenté si je n’avais senti dans son attitude comme une invitation à le secourir. Tout en le caressant, j’ai examiné sa blessure qui ne semblait pas bien profonde.

À son léger halètement, je percevais son trouble. Je n’ai pas insisté, me contentant de lui parler. Ça va aller, le chien, si tu veux bien je vais te soigner. Il a tourné le museau vers moi comme s’il me donnait son accord.

Alors je l’ai imploré de m’attendre, le temps de foncer chez moi. J’ai ouvert le frigo à la va-vite, il était quasiment vide comme à son habitude. Le placard à victuailles aussi, mais par chance, j’avais gardé intacte la boîte de pâté truffé offerte par le centre social de la mairie au moment des fêtes de fin d’année. Du pâté, un bocal de coq au vin, des pâtes multicolores enroulées sur elles-mêmes, une boîte de haricots verts en fagots, une demi-bouteille de mousseux, un ballotin de truffes au chocolat, tout ça dans un petit panier que j’ai conservé pour mettre les pommes. Celles que je récupère à la fin du marché, à peine amochées.

J’ai entamé les pâtes dès le lendemain de Noël pour continuer sur la lancée de la veille où j’avais profité du repas festif organisé par la Croix-Rouge. Pour me sentir heureux. Parce qu’avec un peu de beurre et de fromage râpé gonflé à l’amidon, manger des pâtes escargots de toutes les couleurs, c’est comme manger des macaronis premier prix, le goût est le même, mais admirer son assiette, contempler chaque fourchette garnie, c’est se sentir privilégié. Riche, presque. Même si ça ne dure que le temps d’un repas, c’est magique.

J’ai attrapé la boîte de pâté, une fourchette et deux bols. J’en ai rempli un d’eau fraîche et j’ai refoncé dans l’autre sens aussi vite que je pouvais sans renverser le liquide. Le chien se trouvait toujours dans la rue, pas tout à fait là où je l’avais laissé mais pas très loin. Je l’ai appelé. Hé le chien, si tu viens, je te donne du pâté, du pâté truffé en plus. Mais si tu ne veux pas venir, dis-le tout de suite que je ne gaspille pas mon cadeau de Noël.

Il a tourné les yeux vers moi – Ah ces yeux ! Je sais maintenant pourquoi Depp se maquille, pour faire fondre les gonzesses. Et les autres aussi, comme moi, qui ne sont pas des gonzesses mais pareils qu’elles, souvent les larmes au bord des yeux. On s’est regardé et il est arrivé. Lentement cette fois, avec une crainte qui ralentissait ses mouvements. Il n’avait plus rien de rock and roll mon pirate des caraïbes.

J’ai déposé le bol d’eau sur le trottoir. C’est pour toi !  Mais il l’a ignoré. J’ai ouvert la boîte de pâté, déposé une bouchée dans le second bol et le lui ai tendu. Ça aussi c’est pour toi ! Il a tordu le cou, regardé autour de lui, j’ai posé le bol au sol. Il a observé à nouveau les lieux, à droite, à gauche, et s’est avancé pour plonger le museau dans la pitance. Je l’ai trouvé plutôt malin.

Le pâté lui a plu, les microscopiques morceaux de truffe je ne sais pas, ils ont été engloutis avec le reste, en une seconde chrono. J’ai saisi d’un coup de fourchette tout ce qui restait dans la boîte et l’ai déposé dans le bol, d’un bloc. Le chien s’était à peine reculé. Déjà il avait confiance.

C’est là, en le regardant dévorer, que je lui ai donné, pour de bon, le nom de Johnny, celui qui m’était venu à l’esprit en croisant son regard, et qui là prenait tout son sens. En mastiquant, il bougeait de tout son être, c’était comme s’il dansait en se déhanchant. J’ai eu le pressentiment qu’on n’allait plus se quitter et qu’il allait changer ma vie, et je ne me suis pas trompé.

J’ai regardé Johnny se lécher les babines. Un peu comme moi quand je termine une Danette au chocolat, en léchant les bords à l’intérieur du pot après avoir raclé le fond avec l’index pour ne pas en laisser une trace. C’était bon mais… vous pourriez pas m’en mettre un petit peu plus ? comme vantait la pub à la télé autrefois.

Va falloir attendre mon Johnny ! je lui ai dit. C’est ce que nous avons fait, après que j’ai posé les bols et la boîte vides ainsi que la fourchette sur un rebord de fenêtre, en flânant tous les deux le temps que la vie s’installe dans la ville. La déambulation, j’en ai l’habitude. Je m’y adonne tous les jours levants, souvent l’après-midi et systématiquement le soir. Il faut bien que je m’occupe et sorte de mon vingt-mètres-carrés tout au plus, je ne l’ai jamais mesuré.

Déambuler, j’ai toujours trouvé le terme approprié à mes errements. Le préfixe dé- (ou dés-) signale d’emblée un problème. Dérangé, déviant, déstabilisé, désacclimaté, désespéré, désaccordé, désaccouplé, désadapté, désaffecté, désagrégé, désaimé, décimé, désynchronisé, déséquilibré… je déambule quotidiennement parce que je suis un peu tout ça.

Ensemble dans la rue

La première personne que nous avons croisée, le chien et moi lors de notre première déambulation commune, c’est Pierrot, qui travaille à la Poste. Je ne sais pas trop ce qu’il y fait mais c’est à six heures vingt tapantes qu’il sort de chez lui. Il doit embaucher à six heures trente. Comme tous les jours, il m’a lancé un Salut, Max ! Bonne journée ! accompagné d’un sourire et d’un signe de la main. Parfois il prend le temps d’échanger quelques mots supplémentaires. Pas ce matin.

Et puis, a déboulé le jeune du cinquième. Celui qui descend les escaliers deux par deux, déplie sa trottinette juste devant la porte, grimpe dessus et s’éloigne en moins de temps qu’il ne faut pour prononcer le moindre mot, pas même un bonjour. Un jeune quoi, ni ponctuel ni poli, mais toujours pressé. Moi aussi j’ai été jeune.

À six heures quarante, c’est Les Chéris qui sont passés. Je les appelle ainsi parce qu’ils roucoulent des chéri par-ci, des chérie par-là à ne plus pouvoir les compter. Des amoureux, toujours main dans la main. Peut-être travaillent-ils ensemble, peut-être même se sont-ils rencontrés sur leur lieu de travail, je n’en sais rien, tout comme j’ignore leur lieu de résidence, à quelques dizaines de mètres de chez moi ou bien des rues plus loin. Je sais juste que tous les matins, sauf le week-end, ils empruntent ma rue, collés l’un à l’autre, elle à droite, lui à gauche, à cette heure matinale, toujours la même.

Vers sept heures, la rue s’agite pour de bon. À huit heures, elle grouille. À huit heures trente, le Franprix ouvre.

À huit heures vingt-neuf, je me suis posté devant. Deux clients attendaient déjà. Je les sentais fébriles, impatients d’effectuer leur achat et de s’en aller. Certainement étaient-ils attendus au travail. En temps normal, j’aurais suivi l’un d’eux dans les allées, pour découvrir ce qui justifiait à ses yeux son attente devant le magasin par un matin d’hiver. Mais le jour n’était pas normal, un chien efflanqué et blessé m’attendait.

Je l’avais laissé dans la rue en lui ordonnant de m’attendre. J’aurais aimé qu’il me suive mais il en avait décidé autrement. Tout juste m’avait-il regardé m’éloigner et disparaitre au coin de la rue. Je l’avais observé, caché derrière la façade de l’angle, craignant qu’il profite de mon absence pour s’enfuir. Mais il continuait à errer tranquillement, comme s’il avait compris mon injonction. Alors je  m’étais éloigné un peu plus rassuré.

La pâtée

Dès le déverrouillage de la porte de verre, je me glissai dans le magasin et optai sans trop réfléchir pour de la pâtée pour chien au bœuf, sans truffe mais avec des morceaux. Je ne dis pas que j’en salivais d’avance, je préférais le coq au vin gélatineux en bocal, mais pour un chien affamé, elle me semblait appropriée. Et pas trop chère.

À la caisse, l’un des hommes qui trépignaient devant la supérette me força à piaffer à mon tour. Pièce par pièce, il comptait la monnaie cherchant l’appoint. Quatre-vingts. Quatre-vingt-dix. Un euro. Deux canettes de bière, voilà l’urgence du matin pour cet homme. La mienne, c’était un chien avec des coquards sous les yeux.

Un euro quinze. Un euro vingt-cinq. Sous un masque stoïque, je sentais monter l’exaspération de la caissière. Et la mienne à l’unisson. Mon chien allait me lâcher.

Un euro quarante. Un euro soixante-cinq. Plus que dix centimes ! clama la caissière. Je repris confiance. L’homme eut à peine le temps de saisir son ticket de caisse, j’avais pris sa place et remettais l’appoint dans la main de la caissière. Parfait, me dit-elle après y avoir jeté un coup d’œil. Je la sentis reconnaissante. Je m’extrayais du magasin avec une ardeur qui laissa sur place mon tortionnaire, vérifiant son ticket de caisse. Il ne devait pas souvent remplir de caddie.

Je fis le tour du pâté de maison (encore du pâté !) au pas de course, le cœur battant non pas du fait de ma performance sportive mais à la crainte du départ de Johnny. L’accident cardiaque me fut évité, le chien guettait juste après le premier virage. Attendait-il son repas ou son nouveau maître ? Je m’épargnais le risque d’une déception, viens, lui dis-je, regarde ce que je t’ai acheté, en lui montrant la pâtée.

Compagnons

Johnny m’emboîta le pas. Je pris au passage tout le petit bazar que j’avais laissé sur le rebord de la fenêtre et grimpais chez moi, le chien sur mes talons.

Je l’ai nourri. Je l’ai soigné. Depuis nous cohabitons.

Depuis, je ne déambule plus, je sors mon chien.

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J’espère que ce récit vous a plu. Pour découvrir la suite des aventures de Max et Johnny, abonnez-vous à ma newsletter sans attendre et vous la recevrez dans votre boîte mail dès sa publication. A bientôt !

Image Pixabay

violentomètre

Le violentomètre

Retrouvé en rangeant quelques affaires sur mon bureau, ce violentomètre. Rien que le nom, ça fait peur ! Quand je l’avais découvert entre tartines et jus d’orange, la tête à peine sortie de l’oreiller, j’en avais frémi. Laissez-moi me réveiller en paix, sans me parler de toutes ces horreurs !

Mais la curiosité avait envoyé au tapis (mauvais jeu de mot sur le sujet !) ma mauvaise humeur matinale et, tout en croquant mes tartines, j’avais lu barre par barre les critères de ce mesureur de malheurs.

Rabaisse systématiquement mes opinions, se moque de moi sans arrêt, est jaloux de moi, menace de se suicider à cause de moi… des confidences parfois entendues dans la bouche de proches. Ou encore c’est moi qui me disais en fin d’un dîner houleux, mais qu’est-ce qu’il avait à dénigrer ainsi tous ses propos ?

Ni coup, ni sang, ni arme, juste des mots. Des mots qui blessent comme des poignards. La violence c’est aussi cela, une violence ordinaire et insidieuse, il faut en être conscient.

Les tartines avaient du mal à passer, l’écœurement les refoulait. Toutes ces femmes violentées, des hommes aussi certainement, qui peut-être même refusaient de l’admettre. Se montrer plus vigilante avec ses proches, ne pas hésiter à alerter, voilà ce que me rappelait ce sachet à pain un matin comme les autres.

(Merci à ma commune pour cette initiative en fin d’année dernière.)

Porte ouverte

Une porte sans mur à l’entrée d’un sentier, ouverte.
Observer les promeneurs
Ceux qui la traversent indifférents
Ceux qui s’étonnent
Ceux qui la contournent
Se demander qui l’a posée là
Après âpre réflexion ou par facétie
Ce qu’il a voulu nous dire
Peut-être simplement nous montrer le chemin
Peut être nous amener à réfléchir
Peut être nous amuser
Il m’interroge
Je l’ai traversé cette porte
En fermant les yeux
En pensant à Stargate
Mais il ne s’est rien passé
Les arbres, les fleurs, l’herbe, les mêmes
Je me trouvais toujours dans le Parc Floral de Paris
Il ne me restait qu’à poursuivre mon chemin.
C’est peut être l’un des messages de cette structure : ne rien attendre d’exceptionnel de la vie pour avancer, juste poursuivre son chemin.
C’est ce qu’elle m’a dit.

porte_ouverte

Et pour vous qu’évoque cette porte ? Je suis curieuse de le découvrir !

(photo prise au Parc Floral de Paris le 1er janvier 22)

auteur mystère

L’écrivain mystère

Un fois n’est pas coutume, effet teasing cette semaine : je vous prépare l’interview d’un auteur. Un seul indice : en pleine promo, il est débordé !

Encore quelques jours pour découvrir qui se cache derrière ce point d’interrogation, patience !

Et pour ceux qui veulent découvrir les dessous de l’interview de cet écrivain mystère, c’est facile, il suffit de s’abonner à ma newsletter si ce n’est déjà fait !

Le pot de pièces

La conjonction de situations, de présences, de petites idées, de rencontres débouche parfois sur une idée majeure. Il peut s’agir d’une forme d’art ou d’une tournure d’esprit.

Souvent j’ai cette pensée qu’il ne faudrait pas grand-chose pour que du fouillis, de l’ignorance, du gâchis sorte un trésor. Juste une étincelle.

Je possédais un lot de vieilles pièces de monnaie dont je ne savais que faire depuis des années sans parvenir à m’en séparer. Jusqu’à ce que l’étincelle attendue jaillisse.

En observant le vase que je venais d’habiller d’une mosaïque de ces pièces, j’ai imaginé cette fable.

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Il était une fois une salle de bain qui sifflotait de bonheur tandis que Luigi, un jeune ouvrier, posait sur ses murs de nouveaux carreaux de faïence bleu-vert. Bleu paon plus précisément. Sa huppe royale, sa longue traine comme celle de la plus belle des mariées, son plumage aux nuances éclatantes, elle aimait tout chez ce volatile. Revêtir sa couleur serait sa façon à elle de faire la roue, d’arborer son air majestueux.

Elle rêvait depuis si longtemps de cette nouvelle jeunesse. Elle se voyait belle, belle, belle… Quand le miroir serait suspendu au-dessus du lavabo, elle pourrait s’admirer.

Elle sifflotait plus que jamais sous les caresses de Luigi lissant de l’index le joint entre ses carreaux. Un délice.

Dans la chambre d’à-côté, ça grognait. Ce débord de joie était indécent. La bonbonnière remplit de pièces de monnaie oubliées s’agitait sous le mécontentement de ses occupantes. Les petits soins, c’était toujours pour les autres. À peine, étaient-elles dépoussiérées tous les trente-six du mois par le couple qui habitait les lieux. De temps à autre, une pièce rejoignait le pot. Sur le moment, ça créait un peu de distraction. On faisait connaissance, mais très vite la léthargie saisissait à nouveau toute la colonie. Les vieilles pièces en centimes de francs, percluses d’arthrose, retrouvées au fond d’une vieille boîte ressortie du grenier n’avaient pas grand-chose à raconter. De la vie d’aujourd’hui, elles ne savaient rien. Le passé, elles en avaient par-dessus la tête.

Les plus jeunes, qui provenaient tout droit de pays étrangers, arrivaient souvent en groupe en une avalanche. Elles créaient du désordre, se montraient pétulantes et particulièrement bavardes les premiers jours. Mais peinant à se faire comprendre des autres, elles se lassaient à leur tour.

Recluses dans leur pot, nostalgiques des porte-monnaie et des tiroirs-caisses, elles se morfondaient de concert dans cette petite chambre qui ne servait guère que de débarras. Elles s’y étaient résolues. Mais quand la pièce voisine se mit à jouer la trublionne, l’une des nouvelles arrivées explosa. Qu’est-ce qui la rend si heureuse, celle-là ?

Une autre s’aventura. J’aimerais bien avoir envie de chanter moi aussi.

C’était trop !  

Les plus grosses allièrent leur voix. Hé voisine, tu en fais du bruit !

La salle de bain s’étonna. Qui lui parlait ainsi ?

C’est ainsi qu’un échange s’établit entre la bonbonnière et elle. Voisines depuis des années, elles ignoraient chacune l’existence de l’autre, tout à leur nombril.

Les piécettes se plaignirent de leur situation. Entassées, délaissées, confinées, c’était pas une vie ça !

Pourquoi vous ne disiez rien jusque-là ? s’étonna la salle de bain.

Parce qu’on ne savait pas qu’on pouvait être heureux dans cette maison, pardi !

La salle de bain n’avait pas pensé à ça, elle qui bénéficiait de son petit lot de distractions quotidiennes. Elle était défraichie, fatiguée mais considérée.

L’oubli, c’était terrible. Pourvu qu’elle n’y tombât jamais.

Elle pensa au vase qui végétait depuis des années dans un placard juste à côté, et qu’elle n’entendait même plus geindre. Un temps il avait accueilli des brosses à cheveux mais, très vite tombé en désuétude, il avait été relégué au fond d’un placard. Il était arrivé de Chine dans une valise, un achat impétueux de Céline et Maxou, le jeune couple habitant les lieux. Il avait fait son petit effet avec sa laque rouge aux motifs dorés, mais n’avait pas tardé à déplaire avant même d’apprendre notre langue. La salle de bain avait bien tenté de communiquer quelque temps avec lui à travers la cloison mais comme il ne faisait pas beaucoup d’efforts pour se faire comprendre, elle s’était recentrée sur elle-même.

Hé les filles, y’a des Chinoises parmi vous ?

Je suis la seule, répondit une toute petite voix dans un très bon français.

Il y a un vase en bois laqué, dans le placard de la chambre. Je l’entendais grogner à travers la cloison, je ne l’entends plus. Pourrais-tu l’appeler en mandarin ? Il n’y a plus qu’entendre sa langue natale qui pourra le réveiller.

La piécette de deux cents de yuan hurla à l’attention du vase qui ne l’entendit pas. Sa voix ne portait guère.

Elle recommença. En vain.

Et encore. Jusqu’à ce qu’un shilling vienne à sa rescousse.

Répétons ce que dit Deux cents de yuan tous ensemble et en hurlant, proposa-t-il.

Les pièces s’époumonèrent d’un seul élan vocal et le vase sortit de sa torpeur.

Qu’est-ce qu’il se passe ? bégaya-t-il d’une voix endormie.

Deux cents de yuan traduisit sa question puis souffla au groupe une réponse qui fut criée vers le vieux contenant. La salle de bain n’en perdait pas un mot.

Une conversation s’établit ainsi à travers la cloison entre le vase, les pièces de monnaie et la salle de bain.

Mais très vite la salle de bain eut envie de voir ses nouveaux amis.

Elle se tortura le ciboulot.

Enfin, un matin, après une nuit blanche, elle appela ses copains, rayonnante.

Coucou, les potes ! J’ai une idée !

La monnaie et le vase, après un bref sursaut de joie, se mirent à douter. Quelle était cette idée géniale ?

Quand la salle de bain leur expliqua son plan, ils rigolèrent.

Impossible !

La salle de bain bouda. Elle le trouvait génial son plan, elle. Indéniablement complexe à mettre en œuvre, mais génial.

Impossible ? Elle n’aurait jamais osé revêtir un habit de paon et pourtant son rêve était en train de se réaliser. Pourquoi pas son plan aussi ?

Elle redressa la tête et se mit à regarder Luigi de ses grands yeux de biche blessée. Il était temps, les travaux se terminaient, elle n’allait plus le voir.

La comprit-il ? Elle ne le sut jamais mais, en rangeant tout son fatras de carreleur, il oublia le restant du sachet de poudre à joint bleu paon.

Quand Maxou le trouva après le départ de Luigi, ne se résolvant pas à le jeter, il le déposa sur la commode de la chambre voisine. Il adorait ce bleu-vert profond qui lui rappelait les reflets de l’étang de ses parents.

Quel bazar cette chambre ! dit-il à Céline. On va bientôt en avoir besoin, ajouta-t-il amoureusement, il faudrait qu’on la débarrasse.

Le week-end suivant, le couple se mit à l’ouvrage. Céline plongea la main dans le tas de pièces de monnaie. Elle aimait les soupeser et les faire sonner. Tant de voyages aux doux souvenirs. Tout un passé de petits et grands bonheurs.

Dans le placard, elle retrouva le vase qui lui rappela leur voyage de noces. De lui également elle rechignait à se défaire. Elle aimait les objets, Céline, elle était ainsi. Pas pour leur valeur marchande, mais pour ce qu’ils lui disaient sur elle et sur ses proches, sur ses ancêtres aussi parfois. Quand elle prêtait l’oreille, elle les entendait lui parler. 

Elle ne sut pas répéter à Maxou ce qu’elle entendit d’eux ce samedi-là en rangeant la chambrette, les propos restaient confus. Mais le dimanche soir, quand ils se reposèrent enfin sur le canapé elle posa sa tête sur l’épaule de son mari et lui proposa de revêtir leur vase chinois d’une mosaïque de pièces. Comme ça, ils continueraient d’en profiter, et des pièces et du vase. Et ça tombait bien, il restait du joint bleu paon qui irait à merveille avec les tons argentés et dorés de la monnaie.

On le mettra où ? demanda Maxou.

Céline hésita. Dans la chambre du bébé ?

Mais une évidence jaillit. Dans la salle de bain !

C’était précisément là qu’il fallait le poser, dans la salle-de-bain, en un rappel de bleu et face au miroir pour que les éclats métalliques des pièces de monnaie rayonnent dans cette petite pièce comme sur la surface de l’étang des parents de Maxou. Au bord duquel il lui avait proposé de l’épouser et où ils emmèneraient leur enfant.

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J’aime donner une âme aux objets. Dans Lignes et lames, l’une des nouvelles de Point à la ligne, c’est le couteau fétiche de l’héroïne qui en est le narrateur. Une façon d’entrer sans voyeurisme dans l’intimité de cette femme trompée. Si vous n’êtes pas encore inscrit.e à ma newsletter, ne tardez pas et vous obtiendrez ce récit en cadeau de bienvenue dans le cercle de mes lecteurs privilégiés.