A la gendarmerie

Si vous possédez de vieilles armes, voici ce qui vous attend !

A la gendarmerie constitue la dernière partie du polyptique intitulé  Les vieux fusils. Retrouvez la première nouvelle éponyme en guise d’introduction et Chez l’armurier, la première partie.


A la gendarmerie

La gendarmerie ressemblait à un pavillon des années 60 avec son allure sans charme, son accès direct au premier étage par un escalier bétonné donnant sur une large terrasse, le garage au rez-de-chaussée et le jardinet engazonné tout autour.

Restez-là, j’y vais, intimai-je à mère et mari.

J’entrai dans un minuscule hall qui aurait pu être celui de n’importe quelle administration hors d’âge. Carreaux blancs au sol, murs blanc sale, quelques affichettes mal collées, huisseries en alu. Et un étroit comptoir d’accueil derrière lequel se tient une jeune gendarme en conversation avec une femme mûre.

Quelques minutes et je suis à vous, me dit-elle.

De complaints en plaintes

Derrière l’un des murs, entièrement vitré mais opacifié, je perçus quelques mouvements. La représentante de loi n’était pas seule.

Pour unique meuble un guéridon sur lequel traînaient quelques prospectus. Pas moyen de s’asseoir.

Dans un anglais de bon niveau, la gendarme expliquait à son interlocutrice son incapacité à rédiger une plainte contre un chien sans savoir à qui il appartenait. La sexagénaire insistait, ne pouvaient-ils rechercher le propriétaire ? La conversation semblait s’enliser, la gendarme y perdre son vocabulaire. We can’t do that, …, try to ask to the Maire, yes the Maire. … He must know, him. And then, you’ll go back for the plainte, complain sorry.

J’ignorais quel délit avait bien pu commettre le clébard. Un vol de saucisse ? Un déplumage de poule ? L’affaire ne semblait pas tragique non plus.

Excuse me, dit la gendarme en décrochant le téléphone. À qui ai-je l’honneur ? Joli, me dis-je, formule un peu plus élégante que T’es qui, toi ? Certains pourraient en prendre de la graine. Oui, monsieur Lamblin. Vous avez déjà appelé, je me souviens parfaitement. Que fait la dame, elle vous menace ? … Elle menace des passants ? … Elle parle toute seule, mais ce n’est pas un délit ça monsieur. Votre femme a peur d’elle et n’ose plus sortir, je comprends monsieur, mais elle se trouve où cette personne, dans votre jardin ? … Si elle est sur la voie publique, on ne peut pas intervenir. À part lui demander de ramasser les deux frites qu’elle aurait fait tomber… Oui, monsieur Lamblin, je vais contacter mes collègues de la patrouille pour voir s’ils auraient le temps de passer, mais je ne vous garantis rien, il y a beaucoup d’appels en ce moment.

L’anglaise écoutait d’un air distrait, la gendarme leva les épaules comme pour nous faire part de son impuissance à régler de tel litige. Mon tour arrivait, je le sentais. À travers la porte vitrée, je fis signe à chéri, en contrebas, de patienter un peu.

Je préparais mentalement ma demande. C’est pour un abandon d’armes. La formule consacrée, selon l’armurier. Abandon d’armes. J’aurais dit Donner, Remettre, Me débarrasser, pas Abandonner. Il y avait quelque chose de culpabilisant dans ce terme. Mais il n’était pas l’heure de chipoter, le principal étant de se défaire de cet arsenal une fois pour toute.

See with le Maire, certainly he knows the owner, insista la gendarme à bout d’argument. L’anglaise lâcha l’affaire, résignée.

Je fis un pas en avant, tandis que le téléphone sonnait à nouveau. La gendarme me lança un regard agacé. Depuis ce matin c’est comme ça, chuchota-t-elle.

Yes. I know. I can’t do anything else. I’ve informed my collegues, they’ll come soon. They are on an urgency before. I can’t say how long… I’m sorry. Yes… sure.

Je croyais que le Brexit avait dépeuplé le sud-ouest, mais les Anglais semblaient encore bien ancrés dans les parages.

Abandon d’armes

La gendarme me fit signe d’approcher, enfin. C’est pourquoi ?

— Pour un abandon d’armes.

— Hum, il faut que je voie avec mon supérieur, il a plus l’habitude que moi. De quel type sont vos armes et vous en avez combien ?

— Quatre fusils de chasse. Je vais les chercher.

J’appelai Chéri depuis la terrasse. Apporte le bazar !

Le temps que Chéri peste dans l’escalier, les bras chargés des encombrants fusils – C’est lourd ces machins ! – et les dépose sur le comptoir, le gradé avait fait son apparition. Venez avec moi, dit-il.

Je m’en occupe, assurai-je à mon mari. Reste avec ma mère. Ça va être rapide, ajouta le gendarme.

La jeune gendarme était repartie à son téléphone et je l’entendais se débattre avec un insistant. Oui, monsieur Gilbert, j’ai tout noté. J’ai transmis, il faut attendre. C’était hier, on ne peut pas aller plus vite. Je connais très bien votre dossier, c’est pas la peine de me rappeler les faits. Oui, re-téléphonez, mais pas avant une bonne semaine. Il est inutile de nous relancer trois fois par jour. Au revoir, monsieur Gilbert.

Le gradé me fit asseoir dans un bureau où il avait apporté les carabines. Cadillou va enregistrer votre acte.

Je m’interrogeai sur l’identité de celui que l’état civil avait affublé de ce drôle de patronyme. Cadillou. Il m’évoquait un film avec Fernandel, un âne ou un grand gaillard un peu ballot. Le simplet du village, aussi.

C’est la jeune gendarme qui arriva. Oui, Lieutenant, je vais enregistrer l’acte mais je dois d’abord répondre au plaignant qui vient d’arriver.

Le lieutenant, pendant ce temps, bataillait à extraire les munitions de la cartouchière, collées par des décennies d’inutilisation. Bataillait, c’était lui prêter plus d’énergie qu’il n’y mettait. Clairement il s’occupait en attendant que sa subordonnée ait une minute à elle.

À peine eut-elle glissé un ranger dans le bureau que la sonnette de la porte retentissait à nouveau. Je reviens, dit-elle. Le lieutenant ne moufta pas. Pas même un battement de cil plus rapide. Nous entendîmes la jeune gendarme éconduire le visiteur. Je ne vais pas pouvoir prendre votre déposition aujourd’hui. Pourriez-vous revenir demain ?

La déposition

La gendarme finit par arriver pour de bon. S’assit face à moi, son supérieur à ses côtés. Je vous écoute, Lieutenant, comment je procède ? J’ai encore jamais fait ça.

Il lui montra quelque chose sur son écran d’ordinateur. Vous ouvrez un PV. Là. Vous cochez Abandon d’arme. Et vous répertoriez. Notez, ordonna-t-il en manipulant les armes : une carabine sans numéro, modèle inconnu, calibre 32. Une autre, elle est jolie celle-là, idem.

— Si vous voulez la garder, tentai-je.

— On n’a pas le droit. Elles vont partir aux Douanes.

— Juste un instant, intervint la gendarme. Je vais faire une photo pour mon grand-père. Il ne va pas en revenir.

Une simple photo en guise de trophée. La loi se révélait implacable même pour les gendarmes.

— Encore une, sans numéro, sans marque, du 22 certainement. Et un 22 Long-Rifle sans numéro, poursuivait le gradé.

— J’ai une déclaration pour celui-là, dis-je en tendant le papier.

— Vous avez une autorisation de détention d’arme ?

— Ah non, rien du tout. Elles ne sont pas à moi ces armes.

— Mais c’est vous qui les abandonnez.

— Elles appartiennent à ma mère qui les a héritées de son père, et c’est mon père, son mari donc, qui a déclaré le 22 Long-Rifle pour se mettre en accord avec la loi il y a… quelques années, mais la loi a changé…

— Il nous faut la pièce d’identité du déposant. C’est votre mère ou c’est vous ?

— Ma mère a quatre-vingt-dix ans, elle attend en bas, elle va pas grimper jusqu’ici. Alors c’est moi.

Décidément rien ne bougeait chez le lieutenant. Une façade sans émotion. Une voix sans intonation. Je ne ressentais rien d’autre à ses côtés qu’une froide bienséance. La gendarme vint à mon secours en prenant ma carte d’identité. Peu importe le déposant, on n’a aucune justification à vous demander, me rassura-t-elle.

Bon, cochez bien Déclaré pour le 22 Long-Rifle. Absence de permis de chasse et de détention d’arme. Notez aussi 23 cartouches et 16 balles, continuait le Lieutenant en déposant sur le bureau de la gendarme les sachets qu’il avait rempli des munitions. Voilà c’est presque fini, ça va prendre cinq minutes.

Et s’adressant à moi : Reprenez la cartouchière, on n’a pas à la transmettre. Et il sortit du bureau.

Informatique poussive

— Vous pouvez la vendre, la cartouchière, commenta la gendarme tout en tapant sur son clavier. Certains en recherchent encore.

— Si vous connaissez un chasseur, donnez-la lui.

—  Mon grand-père serait content.

— Alors prenez-la, c’est votre grand-père ou Emmaüs.

La gendarme la fit glisser derrière son bureau avec un sourire de satisfaction. Elle avait son trophée.

—  Donc Abandon d’arme. Motif : Succession ?

— C’est ça.

— Lieutenant ! cria-t-elle.

Il revint.

— Je dois faire un PV par arme ? Je ne peux pas entrer les quatre sur le même.

— Non, un seul et vous mettrez les descriptions sur le Cerfa.

Il repartit.

Le téléphone se manifesta. Oui je sais, j’ai prévenu la patrouille, ils vont passer monsieur Lamblin. Je ne peux pas faire plus. Au revoir monsieur Lamblin.

Je pensais que des frites avaient dû tomber sur le trottoir.

La porte sonna à son tour. On se serait cru dans un jeu où il fallait courir après des alertes. Dring dans le bureau, dring à la porte, re-dring dans le bureau. La gendarme se leva en me priant de l’excuser. Je fais vite, promit-elle.

PV, Cerfa et téléphone

Effectivement elle revint sans trop tarder. J’avais eu le temps d’envoyer un sms à chéri. Fais patienter Maman, c’est en cours.

Un seul PV qu’il dit, bougonna-t-elle avec une moue désabusée. Lieutenant ! appela-t-elle.

Il revint d’un pas égal et se plaça devant l’écran de sa subordonnée.

— Quand j’ouvre un Cerfa j’ai nécessairement un PV qui s’ouvre aussi, lui exposa-t-elle.

— Vous cliquez là, vous mettez Sans Objet et vous fermez, assura-t-il en maniant la souris. Ah non, le PV reste… Bon, eh bien, quatre PV.

— Et quatre Cerfa.

— Elle est admirable, dis-je au Lieutenant comme si j’avais besoin de racheter son impertinence aux yeux de son supérieur. Elle gère tout avec une patience exemplaire.

— C’est un bon élément, me répondit-il sans un regard pour elle, avant de se retirer derrière ses vitres dépolies.

— Désolée, ça prendra plus de cinq minutes, se justifia-t-elle avec un haussement d’épaule d’impuissance.

Je lui décernai un sourire compréhensif. Déjà une demi-heure que je m’étais présentée devant elle.

La sonnerie du téléphone retentit à nouveau. Oui madame Cazal, je note, de la fumée. Le feu, il est dans votre jardin ? C’est votre voisin qui l’a allumé, j’ai bien compris, mais où ? Dans son pré. Y a-t-il du bois à proximité, un risque de propagation ? Votre voisin est sur place, il surveille, tant mieux. Mais c’est interdit par la loi. En effet. Quelle est votre adresse ? Manoure ? Avec le M de Manon ou le N de Noël ? Nanoure ? Je vous entends mal, madame. Je ne suis pas d’ici moi madame, je ne connais pas tous les lieux-dits de notre circonscription, vous en déplaise ! Alors Manon ou Noël ? Maman. D’accord, si vous préférez, donc Manoure. Avec un S à la fin, j’ai compris. Un S comme Sophie, Stéphane, Sofiane, Sergent… Manouresse. Bien madame Cazal, c’est enregistré, la patrouille va passer.

Ah mince, je n’ai pas demandé la commune ! pesta la gendarme en raccrochant. Je note le signalement et je suis à vous.

Manoures c’est sur la commune de Payssac, je connais bien, intervins-je tout en composant un sms : Plus long que prévu. Fais patienter Maman.

Et Cazal, comment ça s’écrit Cazal ? J’ai oublié de faire préciser, ragea la jeune femme.

Je cherchai sur mon téléphone, Cazal – Manoures – Payssac, et clamai triomphante : Cazalle, deux L, E. Il est carrossier.

Merci, répondit la militaire. Les gens ils croient qu’on sait tout. Je suis arrivée il y a deux mois, je viens d’Orléans et je passe la plupart du temps dans ce bureau, comment est-ce que je pourrais tout connaitre de la région ?

Je la confortai d’un sourire compréhensif.

On va reprendre. Je vais couper le téléphone, sinon on ne va pas y arriver. Je finis mon service dans une minute. Enfin en théorie.

Je me dis que les chiens errants, les feux de paille, les burgers-frites sur la voie publique pouvaient bien attendre au lendemain, les faits plus graves aussi, que dans la vie il y avait des priorités et que celle du jour c’était un lot de pétoires, que le monde était finalement bien pensé.

Le sablier

Putain ! Oh pardon, je suis désolée, dit-elle avec une moue qui semblait plus amusée que désolée. Mon ordi est bloqué ! C’est toujours pareil, regardez ! dit-elle en tournant son écran vers moi.

Une jauge horizontale se remplissait nonchalamment tandis qu’un sablier tournait.

Ils disent que je ne sais pas me servir de l’ordi, que les PV prennent cinq minutes, tu parles !, pas avec ce dinosaure ! Avant je pouvais me mettre sur n’importe quel poste, ça allait, mais maintenant on a un poste attitré.

Je pensai qu’à l’armée, plus qu’ailleurs, chaque Homme a sa place et chaque tâche son Homme, et que la jeune femme face à moi était bien mal barrée dans cet ordre-là.

— Ah c’est reparti ! Bon alors qu’est-ce qu’on a dit calibre 22 pour la 22 ? ou 32 ?

— Je sais plus…

— Bon, je vais en mettre une en 22 et une en 32.

— Si ça vous va…

— Et voilà, ça bugue encore, souffla-t-elle. Rifle, ça s’écrit comment ?

Je proposai un seul F.

— Ça ne change rien, c’est bloqué, râla-t-elle. Et en haussant la voix : Lieutenant, c’est pas moi qui ne sais pas me servir du matériel, venez voir !

Je remarquai alors son gilet pare-balle et son arsenal à la ceinture.

— Vous n’avez pas chaud dans votre harnachement ?

— Oh si, lâcha-t-elle, mais c’est le règlement. Je transpire avec ce poids ! Je change mon polo en dessous trois fois par jour et j’ai encore l’impression de puer tout le temps.

Des pas dans le couloir. Je m’attendais à voir apparaître le lieutenant, portant beau dans son mince polo de quelques grammes, mais c’est deux autres têtes qui s’affichèrent dans l’encadrement de la porte. Au revoir, on a fini notre service, à lundi !

Regardez comme ça bugue, les prit-elle à témoin, quand je vous le dis et que vous ne voulez pas me croire… mais sa phrase n’était pas terminée que déjà la porte extérieure claquait. Bye bye les collègues compatissants.

Moi aussi j’ai fini mon service, enfin je suis censée. Et après vous, j’ai encore deux bonnes heures de boulot. Quand j’appelle ma mère à vingt heures, elle croit que j’ai eu le temps de faire les courses, la fête et tout le reste. Tu parles, je sors juste du travail. Elle était contente au début de me voir gendarme, maintenant elle déchante.

Je me dis qu’elle n’était certainement pas la seule, à déchanter. Et que ça faisait déjà une heure largement sonnée que je poireautais dans cette gendarmerie.

Copies et croix

À coup de sablier sur l’écran et de soupirs de la jeune gendarme, les enregistrements furent saisis. Voilà j’ai fini, y’a plus qu’à sortir les docs. Cinq minutes, il disait, et ça fait une heure et demie. Je vais chercher les feuilles, me dit-elle. Et plus fort, en passant la porte : Lieutenant, ça va être bon pour la signature !

J’en profitai pour envoyer un sms à chéri : Plus que la signature !

Mince ! pesta la gendarme à son retour dans le bureau. Ça m’a tout imprimé en recto-verso, une partie des PV se trouve au dos des Cerfa. J’ai plus qu’à faire des photocopies. Je reviens !

Je me demandais combien de fois elle avait dit ces mots : Je reviens. J’aurais dû compter. J’aurais eu mon jeu moi aussi, à elle les sonneries, à moi les Je reviens.

J’entendais le copieur ronronner par à-coups à travers la cloison et la gendarme pester. Putain, c’est quoi ce matos ! sans se soucier d’offusquer son supérieur. Elle me plaisait bien cette gendarme.

Elle réapparut portant un paquet de feuilles quelque peu anarchique. Tenez-moi ça, elle me dit, on va les remettre en ordre. Je lui passai les feuilles une à une dont elle vérifiait les références. Et merde ! s’autorisa-t-elle à nouveau.

— Qu’est-ce qui se passe cette fois ? m’inquiétai-je.

— La croix devant Arme déclarée, celle pour le 22 Long-Rifle, elle a été reprise sur tous les PV quand j’ai dupliqué le doc.

— Il faut tout recommencer ?

Je sentais la fièvre me gagner en pensant à ma mère et à mon mari qui m’attendaient dehors par ce temps maussade. Justement un bip dans ma poche semblait me rappeler à l’ordre.

— Je vais chercher du Tipex, ça passera pour la préfecture.

J’en profitai pour dégainer mon téléphone. C’était chéri comme supposé : Il cherche son stylo ?

Du Tipex, je pianotai.

À jamais

La gendarme revint sans tarder, et me passa les feuillets à signer au fur et à mesure qu’elle en masquait la croix. Elle recompta. On a bien les quatre Cerfa, commenta-t-elle, les quatre PV, deux exemplaires de chaque. C’est parfait. Il ne manque plus que la signature du lieutenant.

Il signera plus tard, vous n’avez pas à attendre, ajouta-t-elle en percevant certainement un signe d’angoisse sur mon visage. Et elle me tendit les feuilles de reçu. Voilà, c’est juste une formalité mais si jamais vous aviez un problème par la suite avec ces déclarations, demandez Cadillou. C’est moi.

J’acquiesçai tout en priant de ne plus avoir affaire à elle. Mais il n’y a pas de raison ajouta-t-elle à point nommé. Décidément elle lisait en moi.

Elle regarda sa montre en me raccompagnant dans le microscopique hall. Et voilà, ma mère va encore se demander ce que je fous.

— Bon courage à vous et bonne fin d’après-midi.

— Plus que les dernières transmissions et je serai en congé pour trois jours, dit-elle avec le sourire d’une enfant de six ans à qui on a promis un tour de manège.

— Au revoir !

Je laissai la porte claquer derrière moi et descendis l’escalier à vive allure.

Indécrotable

— Ah te voilà, dit ma mère, je m’inquiétais.

— Tu t’inquiétais pour quoi ?

— Parce qu’on aurait pu te causer des tracasseries à cause de ces armes. On ne t’a pas fait de reproches ?

— Non Maman, c’était une simple formalité, beaucoup de paperasse et de temps mais rien d’embêtant. Maintenant c’est fait, on est débarrassé, c’est une bonne chose : plus d’arme à la maison. Ça ne valait pas la peine d’imaginer des solutions moins légales, taquinai-je ma mère en l’aidant à attacher sa ceinture de sécurité.

Et nous rentrèrent chez nous.

— Finalement, dit ma mère après un long silence que je mettais sur le compte de la fatigue, ça n’a pas été compliqué. Tu aurais pu en profiter pour rendre le pistolet de ton père.

— Quel père ? Non, je veux dire, quelle arme ?

— Le pistolet que ton père a rapporté d’Algérie. À la fin de son service militaire.

— C’est quoi ça encore ? Vous n’en avez jamais parlé ! Il est où ce truc-là maintenant ?

Ma température corporelle était montée d’un cran.

— Dans l’épaisseur de la tête de lit. Ton père ne savait pas trop comment s’en défaire. On a trouvé cette cachette, et il y est toujours. C’est dommage que je n’y aie pas pensé ce matin.

— Tu as raison sur ce coup-là Maman, c’est bien dommage que tu n’en aies pas parlé plus tôt. Ni ce matin ni jamais. Alors réfléchis bien, as-tu d’autres armes planquées quelque part ? Je sais pas moi, des sabres japonais dans le plafond, une arbalète dans le garage, un bazooka dans le grenier, un obus dans un pot de fleurs… réfléchis bien s’il te plaît.

— Le pistolet, on pourrait l’enterrer sous l’étendoir à linge.

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Photo : devenir-gendarme.com

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