Un bon feu dans la cheminée, mon bonheur campagnard !
Quand je me rends chez ma mère entre octobre et mars, allumer le feu dans la cheminée est un rituel. Dans mon appartement, je n’ai pas cette possibilité-là et ça me manque !
Le feu qui crépite dans l’âtre est mon bonbon d’hiver. Avec son goût sucré qui s’installe sur la langue et dans les souvenirs.
Le plaisir commence par les quelques pas jusqu’au bûcher souvent dans un froid ardent. La morsure du gel avant celle du chaud. Tout le contraire du salutaire sauna que je laisse aux nordistes.
Il convient de bien choisir ses bûches, ni trop épaisses ni trop fines, en évaluant la durée de la flambée.
Les bras chargés des bûches et de petit bois, on regagne la maison en laissant derrière soi une trainée de débris. Le gros pull qu’on a sur le dos sera à secouer lui-aussi. Le bois mort est friable, sa copine, la balayette, n’est jamais bien loin
Puis vint l’installation du bois dans la cheminée, tout un art. Un lit de papier journal et de branchages, deux bûches en V reposant sur les chenets. Chacun y va de son conseil, la soirée commence !
Enfin la tête de l’allumette qu’on frotte contre la boîte. Le papier s’enflamme. Quelques minutes à regarder le feu naître. Attentifs. Comment va t-il se comporter ? Un réajustement des bûches parfois. Quelques coups de soufflet. Le bufadou, on l’appelle en occitan.
On surveille, on jauge, on apprécie, la naissance des braises, la hauteur, la couleur, la vaillance des flammes. Certains feux se la coulent douce, d’autres sont gaillards, certains hésitants. Tout un spectacle ! On en parle, on l’entretient, on l’asticote, le feu est comme un jeune enfant, il ne peut laisser indifférent. Et la soirée file au coin du feu.
Un plaisir sensuel et plus encore
Le feu active tous nos sens. La lueur, les craquements, l’odeur, la chaleur et même le plaisir des papilles quand on y fait rôtir une châtaigne, un chamallow, un quartier d’agrume.
Il invite à discuter, à échanger, à lire… et à bouger. Vous en connaissez, vous, des feux avec télécommande ?
En somme, il nous épargne la télé et ses abêtissants programmes.
En voie de disparition
Du bien, il en fait, à l’âme, au corps, au cœur, c’est indéniable. On pourrait le considérer à recommander, à ajouter à sa liste des attitudes forme, entre les 5 fruits et légumes et les 10 000 pas quotidiens. Mais non !
Selon le ministère de la Transition écologique, un feu de bois de deux heures dans une cheminée à l’ancienne recracherait autant de particules fines qu’un vieux diesel lors d’un aller-retour Lille-Perpignan. Alerte pollution !
Equiper la cheminée d’un insert, d’un feu factice, la remplacer par un poêle à bois… il y a bien sûr des solutions plus écologiques. Sans odeur ni saveur. Des bonbons d’hiver au goût et à la couleur synthétiques.
Mon feu de joie d’hiver va disparaitre. L’allumer me pince désormais le cœur. Je pense au camion diesel, à la cheminée qui, un jour, s’affaissera sous les coups de marteau. Et je me love tout près de lui comme mes aïeuls autrefois dans le cantou, attendant, les prunelles enflammées et les joues cramoisies, parlant peu, que l’heure du coucher vienne les tirer de cette douce léthargie.