bonbon ou écran

Une jeune femme monta dans la rame de métro, tenant sa fille par la main. La gamine, trois ou  quatre ans au plus, frétillait comme la queue d’un chiot fou de joie, emmêlait ses pieds à ceux des passagers assis, percuta quelques genoux. Un homme se leva, proposa son siège à la mère qui le gratifia d’un pauvre merci sans saveur, s’assit et tira vers elle sa gamine.

A peine l’enfant fut-elle installée sur les genoux de sa mère après avoir donné à leur malheureux voisin de siège quelques coups de coude qu’elle se mit à brailler, sans sommation, sans se débattre. Juste elle hurla, une vraie sirène à se planquer dans un abri anti-aérien.

Sans moufter, dans la seconde, la femme confia son téléphone à son enfant qui s’en saisit aussitôt et se mit à y regarder des images. Arrêt net de l’alerte.

Autrefois on donnait un bonbon, me confia ma voisine de siège sur un ton de connivence, qui elle non plus n’avait rien perdu de la scène. Entre perdre ses dents ou ses neurones, je ne saurais dire ce qui est préférable, raillai-je.

La petite peste, je ne peux croire qu’elle nous entendit, peut-être perçut-elle nos œillades insistantes, se tordit le cou pour nous jeter un regard mauvais. Nous tira la langue. Une vraie vipère. Et replongea fissa ses yeux dans les abîmes de ce fichu écran.

Finalement c’est certainement une bonne claque qui fait le moins de dégât à long terme, commenta ma voisine. Mais c’est prohibé, je sais bien.

La mère n’avait toujours pas ouvert la bouche depuis le merci machinal, à peine regardé son rejeton. Des yeux cernés, une peau terne trahissaient sa fatigue.

La mère est épuisée, je dis. Elle a peut-être d’autres problèmes que sa fille.

Ma compagne de transport acquiesça d’un mouvement d’épaules et ajouta : Ce n’est peut-être même pas sa fille.

Ma station fut annoncée, je quittai la rame, les laissant toutes les trois à leurs vies.

image Freepik

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