Tous les articles par Fabienne Vincent-Galtié - Auteure

drapeau occitan« J’ai pas grand-chose à te raconter, j’ai trantolé tout l’après-midi » m’a répondu ma mère l’autre jour au téléphone. Ah ce verbe, trantoler !, comment le traduire ? Trainailler, vaquer, glander… bref il s’agit de s’occuper sans réelle efficacité en patois lotois. Une table aussi peut trantoler, quand au resto il faut glisser sous un pied un bout de papier plié en quatre pour la caler. Dans ce sens là, j’ai longtemps cru ce mot compréhensible par tout un chacun – ou presque !-  tout comme perne, mascagner, décaniller ou branquignole, pour ne citer que ceux qui me viennent spontanément à l’esprit.

Vous ne connaissez pas ? Une perne est un quartier d’agrume (mais comme il n’y a pas seulement quatre quartiers par fruit, la perne est plus juste, un point pour l’Occitanie !) ; mascagner, c’est besogner sans efficacité parce qu’on n’a pas le bon outil ou la bonne technique (tout est dit en un seul mot, 2 points pour l’0ccitanie !) ; Décaniller, c’est comme un chamboule-tout, un éléphant dans un magasin de porcelaine, on fait tomber des trucs, on décanille toutes les quilles au bowling ou la boule gênante à la pétanque (dé-ca-niller, c’est clair, non ?, 3 points pour l’Occitanie !) ; Enfin, un branquignole, c’est quelqu’un qui ne fait rien de bien, une sorte de dilettante à tendance fou-fou (et un branque, c’est le même avec moins d’affection). Franchement, ce n’est chouette ça, un branquignole !, ça fait penser aux Pieds Nickelés (réservé aux plus de 50 ans) : 4 points pour l’Occitanie ! 4/4 pour le patois lotois (ou toulousain); toute exagération chauvine exclue, évidemment.

Ils sont beaux ces termes de patois, parce qu’ils chantent avec l’accent, parce qu’ils sentent les déjeuners en terrasse et qu’ils opposent des pieds de nez au bon français. Me risquerai-je un jour à en glisser quelques uns  dans un roman ? Peut-être…

 

BALLONS.JPGIl y a quelques jours une envie irrépressible de gribouiller une toile m’a attrapée par surprise.

De la légèreté, de la liberté avec des ballons, mais bien ancrés dans le sol, pour moi la terrienne. Du jaune enfin pour tenter de prolonger un été qui s’en est allé. Ou parce que cette couleur est à la mode, qui sait ? Voilà comment est né ce tableau : Ballons.

En le découvrant, ma fille s’est exclamée : « Il me fait penser à des tournesols. ». Des tournesols ? Mais bien sûr ! Et comment ne pas y voir plus qu’une coïncidence, alors que je me régale en ce moment de la lecture du roman Vincent qu’on assassine de Marianne Jaeglé, une superbe fiction, joliment écrite et fort bien documentée, sur les derniers mois de la vie de Van Gogh. Le soleil arlésien, la maison jaune, le fauteuil de bois rouge, Gauguin, les blés ondulants… et les tournesolsSIGNATURE.

Autre clin d’oeil, je signe depuis toujours mes toiles d’un nom, un seul : Vincent !

charles-aznavourEn mémoire, ce magnifique texte de Charles Aznavour extrait de l’album « il nous restera ça » de Grand Corps Malade.  

Aznavour chante Ecrire

Choquer l’ordre établi pour imposer ses vues
Pourfendre
Choisir, saisir, comprendre
Remettre son travail cent fois sur le métier
Salir la toile vierge et pour mieux la souiller
Faire hurler, sans pudeur, tous ces espaces nus
Surprendre
Traverser les brouillards de l’imagination
Déguiser le réel de lambeaux d’abstraction
Désenchainer le trait par mille variation
Tuant les habitudes
Changer, créer, détruire
Pour briser les structures à jamais révolues
Prendre les contrepieds de tout ce qu’on a lu
S’investir dans son oeuvre à coeur et corps vaincus
Écrire ta peur de sueur, d’angoisse
Souffrant d’une étrange langueur
Qui s’estompe parfois mais qui refait bientôt surface
Usé de sa morale en jouant sur les moeurs
Et les idées du temps
Imposer sa vision des choses et des gens
Quitte à être pourtant maudit
Aller jusqu’au scandale
Capter de son sujet la moindre variation
Explorer sans relâche et la forme et le fond
Et puis l’oeuvre achevée, tout remettre en question
Déchiré d’inquiétude
Souffrir, maudire
Réduire l’art à sa volonté brûlante d’énergie
Donner aux sujets morts comme un semblant de vie
Et lâchant ses démons sur la page engourdie
Écrire, Écrire
Écrire comme on parle et on crie
Il nous restera ça
Il nous restera ça

danslacombi…Thomas Pesquet ! Je ne me suis confiée encore qu’à demi-mot sur ce blog à son sujet, cet homme me fascine. Comme bien des Français, j’ai suivi avec assiduité ses prouesses spatiales, de sa sortie de la station à des actions plus anodines comme des séances de lecture ( L’astronaute et les histoires ) et la diffusion sur les réseaux sociaux des photos de la terre.

Il me fascine par ce mélange étonnant de proximité et d’inatteignable. Presque comme si Dieu était mon voisin. Un jour dans ma rue, quelques heures plus tard dans les étoiles.

Il m’impressionne plus que tout par sa force mentale revêtue d’un masque lisse. Sous ses traits humains, cet homme est un alien.

Je viens de me régaler de la BD « Dans la combi de Thomas Pesquet ». Dans ce récit traité avec un second degré hilarant, derrière les anecdotes amusantes, on devine une passion hors norme ainsi qu’une volonté et une abnégation non moindres pour parvenir à l’assouvir.

On se représente les passions, fébriles, dévastatrices, bruyantes… La sienne semble froide, réfléchie. Encore un paradoxe qui n’est peut-être qu’une image, un mirage, de plus. Peu importe, cet homme a conquis les étoiles, rien de moins !

mieux-ou-meilleur« Le meilleur est souvent possible » est l’assertion à laquelle s’accrochent Marie et Martin, deux des héros de mon roman Merci Gary Plotter, parce que l’espoir doit toujours être permis, parce que la vie réserve parfois, souvent, de belles surprises. Rappelez-vous, pour ceux qui ont lu ce conte moderne, croyez-le, pour les autres : la vie est fantastique, aux sens extraordinaire, surnaturelle, fabuleuse, imaginaire…

Bill Gates serait-il de cet avis ? Voir le meilleur de l’humanité

linconnue1

L’inconnue sur le banc est le premier roman de Philippe Leclercq, publié tout comme mon recueil de nouvelles aux éditions Abordables. Début août, j’ai lu son deuxième ouvrage, La cabane, qui m’a donné envie de découvrir le premier.  Alors, au retour de nos vacances respectives, nous nous sommes donnés rendez-vous dans un troquet et avons échangé nos livres (et avons aussi discuté de plein de choses évidemment).

Dans L’inconnue sur le banc, Philippe nous entraîne dans le labyrinthe psychique d’Eric, un quinquagénaire reclus en Bretagne après le décès brutal de sa femme. Renonçant volontairement à quelconque subtilité ou délicatesse dans certains passages de ce récit bien mené et indéniablement viril, il nous livre les fantasmes érotiques, les pulsions sexuelles, les tourments amoureux de ce héros égaré entre alcool et libido. L’intrigue se passe dans la Bretagne qu’il connait si bien et dont il se plaît à décrire les somptueux paysages. Ce qu’on aimerait se réfugier, comme Eric dans Belle Vue, sa maison si bien nommée !

linconnue2Dans ce premier roman qu’il qualifie lui-même d’« irrévérencieux », Philippe aborde des thèmes que l’on retrouve dans La cabane, son deuxième opusla quête de l’amour éternel, la jouissance virile, la frontière entre réalité et fantasme.

Qu’en sera-t-il de L’oiseau de nuit, son troisième roman attendu pour le 1er octobre prochain ?

Pom, pom, pom, pom…

le dimanche des mères

Autres magnifique lecture de l’été, ce roman de Graham Swift offert par mon amie Nicole.

Le dimanche des mères est ce jour octroyé aux domestiques une fois par an pour aller voir leurs mères. Jane est orpheline. Comment va-t-elle occuper sa journée ? En retrouvant Paul, son amant de longue date, un jeune homme de bonne famille qui doit se marier sous peu. Et cette journée va changer sa vie.

L’auteur nous sert un récit sensuel, tout en retenu, délicat et pourtant intense dans cette Angleterre qui se remet difficilement de la Première guerre, à l’atmosphère empesée.

Ce roman féministe est aussi une ode à l’écriture et à la lecture, des thèmes qui me touchent particulièrement.

ornitho

 

La volière juste après son installation. Elle est moins colorée aujourd’hui.

Intéressante cette oeuvre d’art contemporain, vue sur le campus HEC à Jouy-en-josas (78) : Les oiseaux ou l’ornithologie des livres de Peter Wüthrich.

Cette volière emplie de livres colorés (hélas déjà passablement défraîchis),  tels des            oiseaux, y est installée depuis 2013.  Comme si les mots volaient, se reposaient, parlaient entre eux, vivaient dans le cadre défini par la volière. Je me hasarde à imaginer cette volière symbolisant un livre ou un récit peut-être, ce qui projetterait ces livres dans un livre ou leurs mots dans une histoire. Mais je m’égare certainement.

Sur Internet, il est écrit à propos de cette oeuvre :  « Barnett Newman (peintre expressionniste américain) ne disait-il pas, en substance, que la critique d’art est à l’œuvre ce que l’ornithologie est à l’oiseau ? »

J’y apprends également que « le livre constitue l’unique matériau avec lequel cet artiste suisse travaille. Il devient la matière première de ses tableaux, sculptures, photos, vidéos… Entre ses mains, le livre se transforme en papillons, en anges, ou encore en oiseaux. D’un objet inanimé, il devient un être vital doté d’une personnalité et d’un esprit uniques. Il nous parle et entre en dialogue avec l’humanité. Ne dit-on pas d’une bibliothèque qu’elle est le reflet de son propriétaire ? Un vieil adage stipule en outre que les livres et la connaissance donnent des ailes pour s’envoler ! »

Et effectivement les oeuvres de cet artiste sont multiples autour du livre.

peter-wuthrich-his-friends

Exemples :

literary smoke

ornithologie du livre

literary portraits

J’adore !

 

vache.JPGQuelques mots sur ce roman vachement bien de David Safier que j’ai découvert par hasard, là encore sur les étagères de l’entrepôt Emmaüs de Cahors : il est drôle et il s’agit d’une fable moderne, même si la morale n’est pas clairement énoncée en fin de récit, dont les personnages principaux sont des bovins, un chat et un chien.

Cette histoire rocambolesque pointe du doigt, avec malice, certains travers et paradoxes de notre société. La narratrice et héroïne est Lolle, une jeune vache qui, pour échapper à l’abattoir, entraîne un petit troupeau se réfugier en Inde, les vaches y étant sacrées, avec l’aide de Giacomo, un chat voyageur.

Troublant est le fait que j’ai lu ce roman lors d’un séjour en Corse où il est fréquent de rencontrer quelques vaches au bord des routes qui avancent prudemment sans que l’on sache vers quoi elles se dirigent. L’inde peut-être…

et-si-cetait-vraiCe roman de Marc Levy, à la frontière entre réalité et surnaturel, nous invite à respecter la vie, à en connaître le prix mais aussi à dédramatiser la mort. Les deux héros en sont terriblement attachants.

Deux passages d’une belle force :

1 – le héros se souvenant de sa mère :

Il avait voulu savoir si les grandes personnes en avaient peur (de la mort) (…), elle avait dit : « Lorsque tu as passé une bonne journée, que tu t’es levé tôt le matin pour m’accompagner à la pêche, que tu as couru, travaillé aux rosiers avec Antoine, tu es épuisé le soir, et finalement, toi qui détestes aller te coucher, tu es heureux de plonger dans tes draps pour trouver le sommeil. Ces soirs-là tu n’as pas peur de t’endormir.

La vie est un peu comme une de ces journées. Lorsqu’elle a commencé tôt on éprouve une certaine tranquillité à se dire qu’un jour on se reposera. Peut-être parce que avec le temps nos corps nous imposent les choses avec moins de facilité. Tout devient plus difficile et fatigant, alors l’idée de s’endormir pour toujours ne fait plus peur comme avant. »

2 – l’héroïne s’adressant au héros

A son tour, elle se décida à lui raconter une histoire (…). Elle lui demanda d’imaginer qu’il avait gagné un concours dont le prix serait le suivant. Chaque matin une banque lui ouvrirait un compte créditeur de 86 400 dollars. Mais tout jeu ayant ses règles celui-ci en aurait deux :

– La première règle est que tout ce que tu n’as pas dépensé dans la journée t’est enlevé le soir (…), mais chaque matin au réveil, la banque te rouvre un nouveau compte, avec de nouveau 86 400 dollars, pour la journée.

– Deuxième règle : la banque peut interrompre ce petit jeu sans préavis ; à n’importe quel moment elle peut te dire qu’elle ferme le compte et qu’il n’y en aura pas d’autre. Qu’est-ce tu ferais ?

(…) Il répondit spontanément qu’il dépenserait chaque dollar à se faire plaisir, et à offrir quantité de cadeaux aux gens qu’il aimait. Il ferait en sorte d’utiliser chaque quarter offert par cette « banque magique » pour apporter du bonheur dans sa vie  et dans celle de ceux qui l’entouraient, « même auprès de ceux que je ne connais pas d’ailleurs, parce que je ne crois pas que je pourrais dépenser pour moi et mes proches 86 400 dollars par jour, mais où veux-tu en venir ? » Elle répondit : « Cette banque magique nous l’avons tous, c’est le temps ! La corne d’abondance des secondes qui s’égrènent ! »

Chaque seconde, au réveil, nous sommes crédités de 86 400 secondes de vie pour la journée, et lorsque nous nous endormons le soir il n’y a pas de report à nouveau, ce qui n’a pas été vécu dans la journée est perdu, hier vient de passer. Chaque matin cette magie recommence, nous sommes recrédités de 86 400 secondes de vie, et nous jouons avec cette règle incontournable : la banque peut fermer notre compte à n’importe quel moment, sans préavis : à tout moment la vie peut s’arrêter. Alors qu’en faisons-nous de nos 86400 secondes quotidiennes ? « Cela n’est-il pas plus important que des dollars, des secondes de vie ? »

Une lecture qui laisse longtemps après sa fin un bon goût à l’esprit.