Une bien belle journée

Il n’est pas 5 h quand je m’extrais de mon lit. Migraine.

Dehors, il fait nuit. Pluie à verse.

La grille du métro est fermée. Panne du mécanisme, m’expliquent les deux agents qui s’escriment à la relever.

Je cours jusqu’à l’accès suivant. La pluie redouble.

Je m’égoutte sur le quai, les lunettes embuées, en attendant la rame.

À la station Gare de Lyon, l’escalier roulant est HS. Plutôt que d’en chercher un autre plus vaillant, qui sait ?, je saisis la poignée de ma valise et m’attaque à la longue volée de marches avec l’entrain d’un alpiniste en début d’ascension.

Au-dessus de la Seine, en plein milieu du Pont d’Austerlitz, une des deux roulettes de ma valise lâche. Il faut dire que la roulante n’est pas jeune.

Je la tire tant bien que mal, comme on remorquerait un avion posé sur un demi train d’atterrissage.  

Je monte dans le train trois minutes avant que le sifflet du départ retentisse. Ma montre ne va tarder à annoncer 6h.

Au fil des années, l’heure de ce premier train de la journée à destination de Toulouse via Limoges avance inexorablement, tandis que l’heure d’arrivée stagne. Il vaut mieux sans hésitation se rendre à Bordeaux qui se rapproche de Paris, elle, d’année en année. Mais c’est à Cahors que vit ma mère…

Tandis que le train s’ébranle, je change mon masque, déjà humide. Pose mes lunettes à cheval sur ma cuisse afin qu’elles sèchent elles-aussi. Et je somnole.

Je vais chercher un café un peu plus tard. Regagne ma place. Attrape un livre au fond de mon sac à dos, par habitude car je suis bien incapable de lire tandis que ma tête tambourine, ôte mon masque pour siroter le nectar fumant. Mes lunettes ne sont plus sur mon nez. Damned !

Je me lève brusquement craignant de m’être assise dessus – ça m’est déjà arrivée voyez-vous, renverse une partie de mon café sur mon jeans – il était mouillé, il le reste ; il était bleu, il se charge de marron ; il était frais, il devient chaud, mais pas au point de me brûler la peau, c’est déjà ça. La question des lunettes est la seule qui me préoccupe de toute façon à cet instant-là.

L’examen de mon siège ne révèle rien qui évoquerait de loin ou des près des prothèses d’œil, Mais où sont-elles passées que diable ? Quand mon regard balaie l’allée, remontant virtuellement le chemin accompli avant de me rasseoir, je les voie à quelque deux mètres de moi – vous remarquerez que je me débrouille sans elles, mais c’est quand même mieux avec ! – alanguies sur la moquette gris chiné.  Intactes. Pas piétinées, même pas bousculées. Un miracle.

Dans deux heures le jour se lèvera sur une bien belle journée.

Un autre registre

Les premières critiques qui remontent sur mon dernier roman, Le voisin du 7e, font état de surprise. Les lecteurs qui me connaissent ne s’attendaient pas à un récit érotique.

Image par Arek Socha de Pixabay

« Juste ce qu’il faut de sensuel. Et pour être tout à fait franche, je ne t’aurais pas imaginée écrire ce type d’histoire. » Marie-Claire

« Un registre bien différent de ce que tu as écrit jusque-là. Je n’en reviens pas ! » Leslie

« Vous écrivez sûrement comme vous parlez : beaucoup de débit, de fantaisie et d’enthousiasme autour de votre obsession naturelle, celle des désirs brûlants, des sentiments volatils et du paradoxe amoureux. » Etienne

Je m’en amuse, je m’en inquiète. Et me demande quelle tonalité mettre dans mon prochain roman. Ou plutôt de quelle tonalité sera fait mon prochain roman car ce n’est pas moi qui choisis, je vous l’assure. C’est le récit lui même qui prend le pouvoir.

L’auteur et ses fantasmes

La sempiternelle question : L’auteur vit-il ses fanstasmes dans ses écrits ? Les lecteurs ont tôt fait de reconnaitre les désirs, les propres expériences de l’auteur dans ce qu’il fait vivre à ses personnages. Et que cet auteur revendique haut et fort que d’une pure fiction il s’agit n’y change guère.

J’ai ainsi eu souvent à m’en défendre, et mon dernier roman (Le voisin du 7e), je le crains, ne va nullement contribuer à ce qu’on m’épargne !

Sonia Dron, une amie auteure, m’a dit répondre, quand on la renvoie à ses romans érotiques, que si Stephen King avait vécu ou seulement fantasmé tout ce qu’il fait vivre à ses héros, il serait un psychopathe.

La mise au point de Rougepolar sur son blog me parait pertinente également :

L’auteur vit-il ses fantasmes dans ses écrits

.C’est la réponse que je relaie en tout cas à tous ceux qui me voient là où je ne suis pas.

Histoire de dingue ou histoire de fée ?

Une histoire bien réelle en tout cas !

Quand je finalisais « Le voisin du 7e », j’ai passé des heures à surfer sur le Net dans les iconothèques pour trouver une photo qui conviendrait pour la couverture. Rien qui vaille. Jusqu’à ce que je tombe sur la bonne, celle qui collait pile poil. Chouette ! Hélas, elle n’était pas présente dans une photothèque commerciale mais dans un blog de particulier. Je tentais ma chance sans trop y croire en contactant son auteur. « Coucou, c’est moi, j’aimerais bien utiliser votre photo… » Figurez-vous qu’il m’a répondu ! Et pas seulement : il joignait la photo en haute définition, s’étonnait que le miracle Google m’ait permis d’arriver jusqu’à l’une de ses oeuvres et me demandait juste, et encore si je voulais bien, de le citer en crédit-photo. Quand j’écris que le meilleur est souvent possible !*

Evidemment, je m’exécutai, trop contente de ma chance. Crédit-photo en début de livre, remerciement en fin. La moindre des choses. Un petit mail aussi. « Mon bouquin est sorti, avec votre photo en couv. J’adore ! ».
Fairplay, il opina « Très jolie couverture ! » et accepta mon offre de lui en adresser un exemplaire.
Aussi fière que contente, j’étais.
Quelques jours plus tard, appel d’un livreur d’Amazon (ne connaissant pas le n° de tél de mon bienfaiteur, c’est le mien que j’avais indiqué lors de la commande). « Heu, je suis dans l’immeuble et y’a pas de « Dressy » sur les boîtes, mais un « Gressy ». Vous confirmez ? » Je confirmai – Gressy, bien sûr, pas Dressy – alors qu’une fièvre me saisissait. Je n’avais pas fait ça ! NON !

Dès que cela me fut possible, je me précipitai sur ma boîte mail. Daniel Gressy. C’était bien le nom de mon interlocuteur.
Angoissée, j’ouvrai un exemplaire de mon livre. Crédit-Photo : ©Daniel Dressy. Remerciements à Daniel Dressy.
Et zut de rezut de mouise ! Comment était-ce possible ? Pénaude, je lui écrivis aussi sec un message d’excuse. Désolée et redésolée… je vais corriger illico presto. Pardon, pardon.
Et redoutais sa réaction. Quelle idiote !

Et sa réponse tomba. Comme un pétale de rose sur des eaux troubles. Je n’en revenais pas. »Rassurez-vous, ça m’a fait plutôt rire ! Si un jour, j’écris l’histoire de ma photo, je pourrai caser cette anecdote ! Bonne journée « 

Bonne journée ! Même pas agacé.

La vie est pleine de surprises, et souvent des bonnes, parce que certaines personnes sont fantastiques*.

Merci Daniel Gressy, vous êtes un féetaud (il semblerait que ce soit le masculin de fée) ou plutôt mon bon génie.
Je vous adresse un merci, un merci aussi immense que votre coeur ! 

* Dans « Merci Gary »

Les jumelles ?

Vais-je écrire la suite du Voisin du 7e ou me replonger dans ma toute première histoire, celle de deux jumelles ? J’hésite encore, alors j’explore.

Ce livre de David Foenkinos m’a attirée évidemment, mais la froideur du récit m’a déçue. Un regard distancié, une progression implacable pour une démonstration quasi-mathématique : la jalousie sororale (tout autant que fraternelle) peut prendre le dessus sur l’affection et conduire à l’indicible.

Et mes jumelles à moi, jusqu’où seraient-elles capables d’aller ?

Les deux voisins

Je viens juste de terminer la lecture du roman de Tatiana de Rosnay, Le voisin. Encore un récit de cette auteure qui se dévore. Les épreuves de la malheureuse Colombe prennent aux tripes. J’ai cependant trouvé la fin un peu escamotée, peut-être parce que justement j’étais tellement embarquée que quelques pages supplémentaires m’auraient enchantée.

Au-delà du titre, j’ai relevé des similitudes troublantes avec mon voisin à moi, Le voisin du 7e : le thème de fond, l’éveil érotique d’une femme mariée corsetée dans une éducation traditionnelle, son apprentissage au travers de l’écriture, en se mettant dans la peau d’un autre qu’elle, plus libéré, l’infidélité du mari et enfin le clin d’oeil à Belle de jour (dans mon roman et Belle de nuit dans celui de T. de Rosnay).

Les similitudes ne s’arrêtent pas tout à fait là, mais je ne peux pas dévoiler plus avant les intrigues de ces deux romans. Greg, le voisin du 7e, est en tout cas bien moins pervers que le voisin de Colombe, il est même plutôt très attachant !