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Méfiance

Méfiance ? Oui, des mots.

Mais pourquoi donc ?

Les mots blessent, endorment l’esprit, envoûtent, pervertissent, trompent, dénoncent, assassinent, déçoivent, attristent, peuvent nous faire crier de douleur ou d’indignation, être des ennemis, des usurpateurs, des snippers, des félons, des ingrats…

Les mots peuvent aussi être ensorceleurs, cajoleurs, câlins, complices, amis, dépaysants, entrainants, galvanisants, nous donner la pêche, nous faire rire, pleurer de joie, danser, hurler de bonheur, nous divertir, nous apaiser, nous ouvrir des ailleurs, nous sauver.

Les mots sont tout, je vous laisse poursuivre ces listes en commentaire.

Photo prise rue de Belleville à Paris.

 

Le portefeuille de Julia

Vous êtes une fée ! elle m’a lancé au téléphone.

Comme si ça ne suffisait pas. Comme si la rencontre avec son portefeuille ne m’avait pas assez troublée.

C’est mon chéri qui a trouvé l’objet ce matin-là devant la porte du garage de notre immeuble.

Nous avons tout de suite pensé à un voisin qui l’aurait laissé tomber. En l’ouvrant pour identifier son propriétaire, on a bien vu qu’il n’en était rien. Aucune Julia R. parmi nos voisins, mais des documents d’identité que sa propriétaire devait rager d’avoir égarés.

Et c’est alors, pour la retrouver et la rassurer rapidement, que j’ai mis le nez dans ses affaires.

Ce qui m’a sauté aux yeux, c’est que le contenu de son portefeuille aurait pu être le mien. Je veux dire qu’il est quasiment le même que le mien.

Une carte d’identité ancien format, un permis de conduire en trois volets de carton rose, des cartes de mes boutiques favorites, une carte sécu, un badge d’entreprise… Tout pareil !

En l’absence de numéro de téléphone, j’ai déplié sa carte mutuelle pour vérifier son adresse, en principe plus à jour que les documents d’identité. Et là, le choc ! Julia et moi sommes nées la même année, nos époux aussi, tout comme nos fils. Une famille clone à quelques encablures de chez nous.

En trois clics, j’ai trouvé Julia et son fils sur Internet et leur ai laissé des messages. Je vais attendre ce soir pour déposer le portefeuille au commissariat, je pars demain pour quelques jours, j’ai précisé.

C’est le fils qui m’a répondu en premier, comme je m’y attendais. Plus connecté que sa mère.

Et juste après Julia m’a appelée. On n’a pas beaucoup parlé, elle était tout excitée. Elle m’a dit qu’elle allait venir récupérer son portefeuille. Et c’est alors qu’elle a ajouté, Vous êtes une fée !

Elle aurait pu dire plein d’autres choses, Vous me sauvez ! Vous êtes tombée du ciel ! C’est le Seigneur qui vous envoie ! C’est rare les gens honnêtes. Ou rien du tout. Mais elle a dit Vous êtes une fée, exactement comme je l’exprime dans Merci Gary, mon deuxième roman, en y défendant l’idée que le meilleur est souvent possible parce qu’on peut tous être la fée (ou le génie, les hommes aussi !) de quelqu’un.

Et vous ne savez pas la meilleure ? Elle partait en vacances le lendemain. Comme nous !


Excellente rentrée à toutes et tous !

Gribouillis

Vous gribouillez, vous aussi ? Moi, souvent, surtout en réunion. Autrefois en classe. Une habitude impossible à maîtriser, le stylo appelle ma main, c’est ainsi. D’ailleurs je ne cherche plus à m’en défendre. Voyez un peu mon cahier de notes professionnelles, une page sur deux au moins a son gribouillage !

Mais il parait que ce n’est pas si grave que ça. Ouf ! Le gribouillage aurait même ses vertus. Il doit y avoir des tas de trucs écrits sur le sujet, mais ce vieil article en dit assez pour rassurer : bienfaits du gribouillage.

Il y a peu, mes gribouillages m’ont inspiré des toiles.

Prudence ! Pour épargner mes murs, mieux vaut que j’aie toujours un stock de papier à portée…

 

Le zébrours

– Dis maman, ça mange quoi les zébrours ?

– Des herbes, des branches… Les zébrours sont végétariens. Mais sais-tu que ça n’a pas toujours été ainsi, que les zébrours étaient des ours polaires il y a longtemps ?

– Des ours polaires ?

– Il y a un siècle, peut-être plus, des ours entièrement blancs vivaient en Arctique quand les pôles étaient encore formés de glace. Ils se nourrissaient de poissons qu’ils pêchaient, de petits mammifères marins et d’oiseaux trouvés sur la banquise. Et puis quand il y a eu le Grand changement climatique, que toute la glace a fondu, les ours se sont retrouvés sur la toundra.  La plupart sont morts tout bonnement, ils n’avaient plus de quoi se nourrir correctement et leur pelage épais leur tenait beaucoup trop chaud. Mais les espèces ont des capacités d’adaptation extraordinaires. Quelques ours ont résisté et au fil des générations leur pelage s’est aminci et s’est mis à foncer pour mieux résister au soleil. Et ils ont enrichi leur nourriture par des végétaux, les oiseaux n’étant plus assez nombreux. Aujourd’hui, comme les zèbres, des animaux qui ressemblaient à des chevaux rayés et vivaient en Afrique jusqu’au siècle dernier, ils naissent noirs et peu à peu leur peau se pare de raies blanches, certainement un reste de leur ancienne fourrure, et ils ne mangent plus que des végétaux. Comme l’homme en fait. Lui aussi mangeait des animaux il y a longtemps.

– Berk !

– C’était comme ça avant. Allez zoup au lit,il est l’heure de dormir.  

 

 

 

 

Un ours origami aperçu dans la vitrine d’une boutique Emmaüs, un peu de peinture et le zébrours est né ! Il restait à lui trouver une histoire.

Le lecteur

J’adore imaginer des compositions à partir de matériaux récupérés, vous le savez, j’en ai déjà parléUn bout de ferraille ou de bois et mon imagination s’emballe. Mon génome compte peut-être le chromosome 23 en triple.

Cette fois-ci, point de ressorts, c’est un mannequin pour peintre qui est arrivé jusqu’à moi. Quelques bouts de planche, de la colle et de la peinture et j’en ai fait Le lecteur, cette statuette qui peut se glisser dans une bibliothèque. Et que j’ai offert à mon fils parce qu’il lui ressemble, ce lecteur avide de connaissances, et qu’il n’y a rien de plus précieux pour moi que les cadeaux uniques, ceux que l’on ne peut acheter.

Ressorts à foison

De l’usage des ressorts. Ce pourrait être le titre d’un manuel, c’est dans mon esprit que ça s’est passé. Récupérer des ressorts de siège, c’était tentant, mais pour quel usage ?

Il vaut mieux que je vous raconte tout depuis le début.

Sur Geev, l’appli de dons dont j’ai déjà parlé récemment, un certain Sim99 proposait deux sacs de ressorts de fauteuil. Et moi, j’adore les bouts de ferraille, c’est ainsi. A croire que je suis tombée, gamine, dans un baril de clous.

J’ai lutté, attendu, espéré ? que l’homme trouve preneur. En vain. Au bout d’une semaine, j’ai craqué. Un délai honnête pour laisser la chance au destin de m’ôter cette perspective, mais l’imprévisible destin refusa tout bonnement cette proposition et me tourna le dos. Tant pis pour lui.

Bonjour, je suis intéressée par votre don s’il est toujours disponible. Le diable n’était pas loin, j’en suis certaine.

Evidemment Sim99, qui signa Simon sa réponse, n’avait trouvé aucun fou pour récupérer sa ferraille. Nous nous sommes donné rendez-vous devant chez lui, à quelques centaines de mètres de chez moi, en début de soirée.  Chéri, tu m’accompagnes ? Je vais chercher des sacs de ressorts. Qu’est-ce que tu vas faire de ça ? m’entendis-je répondre. Toujours la même question. Toujours la même réponse : Je ne sais pas encore, mais je trouverai.

Simon nous attendait avec deux gros sacs posés à ses pieds. Vous avez combien de sièges à refaire ? demanda-t-il.  Aucun. Je vais plutôt en faire une sculpture, m’entendis-je lui répondre. Ou peut-être un perchoir à oiseaux, allez savoir, ajouta chéri du tac au tac. Simon semblait un peu perdu face à ces deux fantaisistes déguisés en cadres de banque. Nous le remercièrent pour sa générosité et filèrent dans la pénombre.

-Franchement, qu’est-ce que tu vas faire de tout ce fatras ?

-Franchement ? Je sais pas, pas encore.

Un sms s’annonça dans ma poche à peine étions-nous de retour chez nous. Je suis curieux de voir comment vous allez utiliser les ressorts. Tenez-moi au courant ! Simon

-Il a atterri ! Tu l’as scotché avec ton histoire de sculpture. Lui qui croyait bêtement, naïvement, que tu allais refaire des sièges.

-Un perchoir à oiseaux, c’est pas une si mauvaise idée.

-Je déconnais.

-Dommage ! Tu pourrais avoir de bonnes idées.

A partir de moment-là, point de repos. Mes neurones s’enroulèrent sur eux-mêmes, s’emmêlèrent, s’échauffèrent… jusqu’à ce qu’un germe d’idée se profile deux jours plus tard.

J’ai aligné les ressorts sur le sol, cherché une bobine de fil de cuivre dans ma caisse à outils. Profité d’une course pour acheter des boules en polystyrène.

Et de lien en lien, de coup de pinceau en coup de pinceau, la chose a jailli. Je l’ai suspendue à une cimaise et j’ai envoyé sa photo à Simon. Vos ressorts font le mur !

Hé oh, pas mal ! il m’a répondu dans la foulée. Bravo pour votre créativité. Si j’ai d’autres choses à donner, je penserai à vous.

Et maintenant tu vas faire quoi de tous les ressorts restants ?

Un perchoir à oiseaux.

Le diable est facétieux.

 

livre

La passeuse de livres

Je l’attendais à la sortie de ma station de métro. Elle est arrivée avec un sourire sur les lèvres et un bouquin dans la main.

Je l’ai rencontré sur Geev, une appli pour favoriser les échanges d’objets et alimentaires. Un bon plan anti-gaspi. Adepte depuis longtemps du don, j’en ai déjà parlé, j’ai découvert il n’y a pas très longtemps ce dispositif bien plus pratique que les mises en relation par mail. N’y voyez aucun prosélytisme de ma part, juste une explication du contexte dans lequel j’ai rencontré celle que je vais appeler Céline.

livreSur l’appli, elle proposait un ouvrage de Yasmina Reza, l’un de ceux que je voulais justement acheter. Alors j’ai attendu quelques jours pour me déclarer, afin de ne priver personne, et nous nous sommes retrouvées à une encablure de chez moi puisqu’elle passait justement par là.

C’est un livre très agréable à lire, vous verrez, avec toute une série de personnages et de petites histoires, m’a-t-elle dit en me remettant le Folio. Vous donnez vos livres après les avoir lus ? lui ai-je demandé. Elle m’a répondu qu’en effet, elle trouvait cela plus intéressant de faire circuler les belles histoires plutôt que de les empiler chez elle. Qu’elle était ravie de partager le plaisir qu’elle avait à lire.

Elle souriait, Céline, en m’offrant son livre. Je lui ai répondu que je donnerai à mon tour ce Poche après l’avoir lu, qu’ainsi il poursuivrait sa route. Et nous nous sommes dit au revoir. Passeuses de livres, heureuses parmi les heureuses.

 

écriture

Atelier récréatif

Un atelier d’écriture créative au bureau, je l’ai fait !

Animer un atelier d’écriture, j’y songeais depuis un moment déjà. Pour plus tard. Dans cette perspective, j’ai passé des heures à chercher la bonne formation de formateur, en vain. Je m’imaginais rejoindre une structure associative, animer un atelier dans une forme classique, avec des écrivants au long cours.

Mais c’est la vie qui décide. Toujours.

« Pense à ce que tu aimerais faire et applique-le dans ton job » m’a conseillé en fin d’année dernière une amie lorsque je me plaignais de mon manque d’intérêt pour mon nouveau poste.

Ecrire, c’est ce que j’aime à n’en pas douter. Découvrir des personnalités aussi. Partager, stimuler, encourager tout autant. Alors j’ai osé.

J’ai osé proposer à mon entreprise un atelier d’écriture. Il m’a fallu entrer au chausse-pied dans le format des animations de la pause déjeuner. Une demi-heure. M’adapter au contexte. Ecrire en plein milieu de journée entre deux réunions techniques serait ardu pour n’importe quel écrivain chevronné, alors pour un débutant…

J’ai prévenu. C’est un test. Quatre collègues se sont présentés, stylo en main. L’écriture ré-créative, c’est quoi ça ?, on veut savoir. Ecriture créative sur un temps récréatif pardi !

écritureCinq semaines durant, ils ont planché sur des exercices. Chez eux. Ils se sont donnés, croyez-moi, se sont découverts des trésors d’imagination – et nous avons bien ri quand ils les ont partagés – et un talent insoupçonné. Des envies surtout. Celle de poursuivre l’écriture. Celle de continuer à partager leurs difficultés et leurs élans, d’être encouragés et stimulés par de nouveaux exercices. Ils en redemandent, je suis ravie.

D’autres collègues m’ont fait signe. On a manqué ton atelier. Quand est-ce que tu en proposes un autre ?

Quand j’aurai trouvé le moyen de poursuivre l’activité avec mes défricheurs tout en accueillant de nouveaux arrivants. Très bientôt assurément parce qu’ils me manquent déjà ces apprentis enthousiastes.

Image par tookapic de Pixabay