Archives de catégorie : Le monde littéraire

Deux livres qui traitent de la question de l’écriture quand on est auteur, et plus précisément de celle de la limite entre la fiction et la réalité, un thème que j’aborde également dans Le voisin, mon roman en cours  :

le mobile♥ Le Mobile de Javier Cercas (si gentiment offert par mon amie Nicole), un excellent petit roman au style et à l’intrigue épurés et efficaces :

Le héros veut écrire un grand roman et il est persuadé qu’en s’inspirant de faits réels ses propos seront plus crédibles. « Il était évident qu’en transposant dans sa fiction un modèle réel, il serait beaucoup plus simple d’incarner son personnage de façon vraisemblable et efficace. » Il va pour cela créer de la réalité, une réalité qui va se retourner contre lui.

 

 

histoire vraie

♥ D’après une histoire vraie de Delphine de Vigan (merci à mon fils Joé de me l’avoir offert), dans un style bien différent du précédent. L’auteure joue sur les émotions, sur l’ambivalence, l’atmosphère y est oppressante.

« Et désormais tous les personnages que je pourrais inventer, quelle que soit leur stature, leur histoire, leur blessure, ne seraient jamais à la hauteur. De ces personnages fabriqués de toutes pièces, il ne sortirait rien, aucune émanation, aucun fluide, aucune effluve. Quoi que je sois capable d’imaginer, ils seraient tous petits, rabougris, pâlichons, ils ne feraient jamais le poids. Exsangues, dispensables, ils manqueraient de chair » : voilà ce dont veut la convaincre sa nouvelle « amie », la mystérieuse L.

poeme

Lu sur le site Short Edition* – un site sur lequel j’ai posté des récits courts -, un poème de Lamba :

De la difficulté d’écrire et « Rose »

Ce jour-là j’ai pris le mot « rose » (Pris où ? Dans quoi ? Respiré ? Inspiré ?)
L’ai posé au bord d’une page (21×27, blanche et intimidante, bien sûr)
Et ai attendu (Quoi ? Comment ? Pourquoi ? Éventuellement qui ?)

La surprise l’imprévu l’impromptu le bon mot le grand mot le mot juste
Celui qui fait tilt qui fuse qui ruse et permet de rebondir
Le délivreur le sauveteur le bel enjôleur
À suivre sans attendre sans comprendre
En se laissant aller à la phrase déliée de mot en mot
L’un qui appelle l’autre
Et l’autre, interpellé, qui lui répond très bien
En scandant, magicien, le miracle d’un texte.

Ce jour-là j’ai pris le mot « rose »…
Et il ne s’est rien passé
Qui puisse vous intéresser :
Sous ma plume il s’est dilué, a blêmi, s’est évanoui ;
Alors j’en ai appelé à la fleur
L’ai effeuillée jusqu’à son cœur
Sur le papier ne sont restés
Dans le parfum imaginé
Que quelques mots à l’eau de rose…

Eh oui, parfois les mots viennent, d’autres fois ils s’y refusent… Ils n’en font qu’à leur tête !

* : cf Article précédent sur Short Edition

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Photo empruntée au site lecthot.com

Autour de la grande table de l’atelier d’écriture (Ateliers Bing), il y a Marie-Françoise, Cyrille, Valérie, Fabienne, Françoise, Stéphane, Marianne et moi. Tous les lundis soir, on s’y retrouve après le travail (et je peux vous dire qu’il faut se motiver pour y aller et agiter ses neurones de 19h à 22 h souvent passé ! ). Marianne Jaeglé est l’animatrice, toujours bienveillante, toujours de bons conseils. Nous échangeons sur notre pratique des derniers jours, puis elle nous lit un extrait d’ouvrage pour attirer notre attention sur une technique littéraire, sur la façon dont l’auteur traite le sujet et chacun s’en inspire pour écrire son propre passage. Cet atelier a de particulier que nous avons tous un roman en cours d’écriture et que c’est sur ces romans sur l’ouvrage que nous échangeons entre nous le lundi soir. Pour moi c’est Le voisin dont je ne vous ai pas encore parlé ; celui de Cyrille, féru d’histoire, se passe pendant la seconde guerre mondiale ; dans celui de Marie-Françoise il est question de secrets de famille et de non-dits ; celui de Valérie se passe à Florence ; celui de Stéphane nous fait découvrir l’univers de la finance… Certains d’entre nous appliquent à la lettre les consignes, les autres s’en inspirent pour améliorer un passage déjà écrit, mais tout le monde planche avec application sur son cahier, son ordi ou sa tablette en buvant de la tisane (j’ai bien dit, de la tisane). Et puis l’un de nous lit son passage et les autres le questionnent et suggèrent, et c’est ainsi que l’on avance en confrontant ses écrits et son intrigue aux avis des autres. C’est un travail difficile, douloureux, instructif, libérateur, parfois décevant, parfois jouissif et nous avons tous, je crois, nos périodes de doute  et autant d’exaltation parce que c’est ça, l’écriture.

 

 

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La lectrice de roman de Van Gogh

Tout auteur a un premier lecteur. C’est ainsi. Même Stephen King en parle dans son livre autobiographique « Ecriture : mémoires d’un métier ». Pour lui, c’est sa femme. Pour moi, c’est Nicole.

Un premier lecteur, c’est quelqu’un qui a la capacité de déceler ce qui ne va pas et de le signaler avec bienveillance. De poser des questions aussi quand ce n’est pas clair. Et ce n’est pas rien ! Parce qu’il faut cette dose de confiance, de respect et de compétences qui rend si unique le lien entre un sportif et son sparring partner.

Nicole est entrée dans ce rôle par amitié, grâce à des circonstances favorables aussi, et aujourd’hui elle est ma première lectrice et je ne peux que lui en être infiniment reconnaissante.

Alors, merci, Nicole, puisque je sais que tu vas lire ces lignes.

17553968_1008709592597155_2708208280740371999_n11 h ! Mince, il faut vite que je parte au Salon du livre. Comment ai-je réussi à me mettre en retard en cette matinée sans histoires  ? On va invoquer la nouvelle heure qui n’a pas son mot à dire dans l’affaire.

Je m’enfuis le ventre quasi vide. Pourvu qu’il n’y ait pas de « colis suspect » sur les lignes de métro  ou l’éditeur m’embrochera avec son Bic cristal. Ouf ! A 11h55, j’arrive un peu en vrac sur le stand mouchoir de poche d’Abordables. Deux auteurs maison y terminent leur séance de dédicace. « C’est calme » me disent-ils.

C’est mon tour. Bruno Ochin, l’éditeur en chef, place ma pancarte et ma pile de bouquins sur la table, je sors mon stylo. Et j’attends. Sur l’immense stand qui me fait face, celui d’une filiale de Gallimard, Hubert Reeves intervient le micro à la main. Ah ouais quand même…

Dans une allée sur la gauche, j’aperçois Yohan (vénérable membre de la famille Galtié) qui vient vers moi, Alexandra, sa copine, à ses côtés. Nous papotons deux minutes et comme il a la gentillesse d’acheter un livre, je lui écris une dédicace. La première ! Merci Yohan, on peut toujours compter sur la famille.

Le temps passe, le stand d’en face s’est vidé après le départ de Reeves. Les allées sont dépeuplées. Mon voisin, du stand Cosmopole, raille : « On est le 15 août ? Je savais pas. »

Une hôtesse du stand France Loisir, un peu plus loin, tout aussi désoeuvrée que nous, me sourit et me fait un signe de la main. Mon sourire en retour l’engage à trottiner jusqu’à moi. « J’adore votre collier ! Vous l’avez acheté où ? On dirait une grappe de raisins ». Je lui donne l’adresse de ma boutique en ligne. A son retour sur le stand, je la vois parler de moi avec sa collègue. Bon ben, j’aurai peut-être vendu un collier… à défaut de livres.

Bénédicte, l’auteure maison qui doit prendre ma relève arrive déjà. Elle aussi a écrit des nouvelles. « Tu te sens de quelle mouvance ? » me demande-t-elle. Plutôt sablonneuse, mais je préfère garder cette réponse pour moi. Magnanime, elle m’achète un livre. Ma deuxième dédicace. Je me motive pour aller chercher la troisième, et continue d’essayer d’harponner le chaland. Sans grand résultat.

Les allées commencent à se regarnir. Une jeune fille se laisse convaincre. Elle sort un billet. « D’habitude les gens paient en carte bleue » lui dit l’éditeur contraint de chercher de la monnaie. « Ce sont mes économie de fin de mois » s’excuse-t-elle. Je soigne doublement la dédicace, j’ai un peu honte.

Il est 14h, Bénédicte prend ma place. J’achète quelques exemplaires de mon propre bouquin pour m’éviter de courir chez l’éditeur le jour où j’en aurai besoin.

Et voilà, c’est terminé pour moi. Il fait un temps magnifique et je rentre en tramway pour bien profiter, à travers les vitres, de ce doux soleil.

 

 

 

 

 

 

… la plus élégante que j’aie jamais reçueTampon refusé sur fond blanc 1

Le 8 mars 2017 à 10:10, Aux forges de Vulcain <manuscrits@auxforgesdevulcain.fr> a écrit :

Bonjour Fabienne,
Après examen, je dois décliner votre proposition. Votre texte ne correspond pas au genre de textes que nous désirons publier et défendre. Je vous souhaite courage et succès dans la quête d’un éditeur. Notez, mais vous le savez peut-être déjà, que non seulement les éditeurs se trompent souvent, mais en outre, qu’une décision négative est souvent l’effet de plusieurs choses, dont la qualité du texte n’est que rarement un paramètre (il y a aussi la ligne de l’éditeur, la cohérence du catalogue, l’état d’avancement de son catalogue…).
Je suppose que vous nous avez proposé votre manuscrit car vous connaissez et aimez notre maison. On ne confie pas, après tout, son manuscrit au premier venu: je viens donc de vous inscrire à notre lettre d’information. Vous pourrez bien sûr vous désinscrire dès réception de la première lettre.
Notez que votre roman, s’il ne me correspond pas, est parmi les plus intéressants que j’ai lus ces derniers mois: il vous faut vous acharner pour trouver le bon éditeur qui saura vous accompagner vers le succès.
Cordialement,
David Meulemans
Ps: il n’est guère agréable de voir son manuscrit refusé. C’est une étape fréquente avant de trouver le bon éditeur. Afin d’atténuer ce déplaisir, je vous propose un billet à ce sujet, rédigé par la romancière Jeanne A. Debats, (qui n’est pas publiée par les Forges) – reproduit avec son aimable autorisation:

cadre

Selon « Verbier, Herbier verbal à l’usage des écrivants et des lisants » de Michel Volkovitch, Ed. Maurice Nadeau  (Merci, Nicole)

Bonheur – Son moment d’élection : le matin, de bonne heure. Ce h inaudible au milieu, secret, comme un soupir d’aise au fond de soi.

Chocolat – Chaud, collant mais coulant. On ouvre grand la bouche, aah…

Choyer, dorloter – Choyer se déploie largement, le choyé en sort grandi, épanoui – d’abord, on ne peut choyer que du premier choix. Dorloter, au contraire, c’est rapetisser. Une personne qu’on dorlote est petiote, chochotte : on lui dit, Dors, comme à un enfant.

Oui – Mot épanoui. Le plus beau mot à dire quand on jouit.

Paresse – Pareille à la caresse, en plus doux encore.

Visage –Mot-caresse, vibrant doucement, lent à finir (comme les vagues sur le rivage), contemplatif, le regard s’y promène, visage-paysage…

Et maintenant, à moi d’écrire des portraits !

Théâtre – 3 syllabes comme autant de coups de ce fameux brigadier. Té ! A ! Tre ! le bâton frappe et les rideaux s’ouvrent. Et puis le â se prononce la bouche ouverte comme quand on déclame.

Nonchalance – Un mot tout en longueur, qu’on ne peut dérouler sur la langue qu’avec une lenteur étudiée. Non-le-chat-n’est-pas-lent, il est racé. Quand il s’étire, c’est avec élégance. Quand il se meut, c’est avec grâce. La nonchalance n’est pas une vitesse, c’est un mouvement.

Acariâtre – ça accroche et ça rappe. Prononcer cet adjectif est presque douloureux.

Saccadé – Trois syllabes rythmées. Impossible de les lier, il faut les détacher, chacune a son rôle.

Buisson – Le « ui » et le « on » s’emmêlent, ça grouille là-dedans. C’est ramassé et brouillon, ça enveloppe. On peut s’y cacher mais pas s’y perdre.

Qui prend ma suite ?