Il y a un an…

Il y a un an, on me diagnostiquait un cancer de la tête du pancréas. Sidération. Cela n’arrive pas qu’aux autres, je le savais, et pourtant le choc n’en fut pas amoindri.

Chirurgie, chimio, un abdomen balafré, un crâne à nu, quelques organes en moins, pas mal de kilos envolés, des effets secondaires incommodants…, j’ai connu des bas et des « plus hauts », conservé malgré tout un optimisme chevillé au corps et à l’âme, capitonné d’une bonne couche d’inconséquence très certainement et de résilience innée. J’ai été merveilleusement accompagnée par le corps médical, mes proches, mes amis, et le suis encore. J’ai rencontré des patients fantastiques, qui ne lâchent rien malgré des années de douleur et de traitement. J’ai désormais acquis une conscience accrue de ce qui importe, de ceux qui comptent, et du reste et des autres sur lesquels il n’y a pas lieu de s’attarder.

Si l’on se fie aux statistiques, on ne survit pas à une telle maladie. Les ignorer, croire en ses chances, faire confiance aux médecins, et se convaincre qu’on peut s’en sortir. Mais le mental, s’il est essentiel, ne suffit pas pour vaincre le crabe, j’ai eu de la chance. Rencontre avec des professionnels de santé épatants, diagnostic précoce, bon état général, super équipe médicale à proximité, entourage réconfortant.

Rémission totale. Tout le monde n’a pas cette veine. Quand je l’oublie un instant, les autres me le rappellent, un peu trop brutalement parfois, j’ai de la chance de m’en être sortie jusque-là. Le petit renflement sous ma clavicule droite, dû à la chambre d’injection implantée et encore en place pour le cas où…, me rappelle, lui aussi, devant le miroir qu’une épée de Damoclès flotte toujours au-dessus de ma tête. Je préfère ne pas lever les yeux vers elle et garder le regard fixé sur l’horizon en profitant de tout ce que la vie m’offre.

« Une vie normale » m’avait laissé espérer le chirurgien. Ce qui ne signifie pas « une vie comme avant », je l’ai compris à retardement. Cette foutue naïveté, encore. Il me faut composer avec quelques ajustements mineurs. J’ai heureusement conservé mon cadre personnel, logement, amis, famille, hobbies…, et je fais un peu plus attention à moi. Je n’ai pas encore repris le travail, un poste trop stressant assurent les médecins, mais comme je n’en ai pas d’autre à portée dans l’immédiat, je prends mon temps. Un luxe. Ma vie est devenue plus précieuse, c’est finalement la grande différence. Tout le monde croit connaitre sa fragilité, répète à l’envi qu’on en a qu’une, mais c’est un privilège, je crois, d’en avoir la certitude ancrée dans sa chair. Pour mieux s’en délecter. Il n’est pas donné à tout le monde de savourer la vie, il faut y être entraîné ou forcé par le destin.

Le plus cocasse c’est qu’au départ de la chaîne de ma chance, de tout ce qui a concouru à me sauver, se trouve la Covid car c’est à cause de ses suites que je suis allée consulter. Comme quoi dans tout il y a du bon, encore un truc qu’on répète sans s’en convaincre.

Le cancer est un évènement intime, m’ont dit certains, je comprends que tu n’en parles pas. Si je ne l’ai guère évoqué jusque-là, c’est pour ne pas inquiéter, pour que l’on ne s’apitoie pas sur mon sort, et non parce que c’est « intime ». Ce que j’ai ressenti, ce que je ressens est intime mais pas le fait d’être touchée comme tant d’autres. Au contraire, il faut en parler, et c’est pourquoi je publie ce message pour contribuer à mon humble niveau à ce que la maladie ne soit plus un tabou, en entreprise et partout ailleurs, pour que tous ceux qui sont ou seront concernés soient convaincus qu’ils n’ont pas à culpabiliser, à se taire, que le cancer n’est pas contagieux, même pas par les mots, qu’il effraie moins quand on en parle et surtout, surtout !, qu’ils peuvent espérer eux aussi « avoir de la chance » et s’en sortir. Un an après, moi je vais bien !

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