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Le lecteur

J’adore imaginer des compositions à partir de matériaux récupérés, vous le savez, j’en ai déjà parléUn bout de ferraille ou de bois et mon imagination s’emballe. Mon génome compte peut-être le chromosome 23 en triple.

Cette fois-ci, point de ressorts, c’est un mannequin pour peintre qui est arrivé jusqu’à moi. Quelques bouts de planche, de la colle et de la peinture et j’en ai fait Le lecteur, cette statuette qui peut se glisser dans une bibliothèque. Et que j’ai offert à mon fils parce qu’il lui ressemble, ce lecteur avide de connaissances, et qu’il n’y a rien de plus précieux pour moi que les cadeaux uniques, ceux que l’on ne peut acheter.

Ressorts à foison

De l’usage des ressorts. Ce pourrait être le titre d’un manuel, c’est dans mon esprit que ça s’est passé. Récupérer des ressorts de siège, c’était tentant, mais pour quel usage ?

Il vaut mieux que je vous raconte tout depuis le début.

Sur Geev, l’appli de dons dont j’ai déjà parlé récemment, un certain Sim99 proposait deux sacs de ressorts de fauteuil. Et moi, j’adore les bouts de ferraille, c’est ainsi. A croire que je suis tombée, gamine, dans un baril de clous.

J’ai lutté, attendu, espéré ? que l’homme trouve preneur. En vain. Au bout d’une semaine, j’ai craqué. Un délai honnête pour laisser la chance au destin de m’ôter cette perspective, mais l’imprévisible destin refusa tout bonnement cette proposition et me tourna le dos. Tant pis pour lui.

Bonjour, je suis intéressée par votre don s’il est toujours disponible. Le diable n’était pas loin, j’en suis certaine.

Evidemment Sim99, qui signa Simon sa réponse, n’avait trouvé aucun fou pour récupérer sa ferraille. Nous nous sommes donné rendez-vous devant chez lui, à quelques centaines de mètres de chez moi, en début de soirée.  Chéri, tu m’accompagnes ? Je vais chercher des sacs de ressorts. Qu’est-ce que tu vas faire de ça ? m’entendis-je répondre. Toujours la même question. Toujours la même réponse : Je ne sais pas encore, mais je trouverai.

Simon nous attendait avec deux gros sacs posés à ses pieds. Vous avez combien de sièges à refaire ? demanda-t-il.  Aucun. Je vais plutôt en faire une sculpture, m’entendis-je lui répondre. Ou peut-être un perchoir à oiseaux, allez savoir, ajouta chéri du tac au tac. Simon semblait un peu perdu face à ces deux fantaisistes déguisés en cadres de banque. Nous le remercièrent pour sa générosité et filèrent dans la pénombre.

-Franchement, qu’est-ce que tu vas faire de tout ce fatras ?

-Franchement ? Je sais pas, pas encore.

Un sms s’annonça dans ma poche à peine étions-nous de retour chez nous. Je suis curieux de voir comment vous allez utiliser les ressorts. Tenez-moi au courant ! Simon

-Il a atterri ! Tu l’as scotché avec ton histoire de sculpture. Lui qui croyait bêtement, naïvement, que tu allais refaire des sièges.

-Un perchoir à oiseaux, c’est pas une si mauvaise idée.

-Je déconnais.

-Dommage ! Tu pourrais avoir de bonnes idées.

A partir de moment-là, point de repos. Mes neurones s’enroulèrent sur eux-mêmes, s’emmêlèrent, s’échauffèrent… jusqu’à ce qu’un germe d’idée se profile deux jours plus tard.

J’ai aligné les ressorts sur le sol, cherché une bobine de fil de cuivre dans ma caisse à outils. Profité d’une course pour acheter des boules en polystyrène.

Et de lien en lien, de coup de pinceau en coup de pinceau, la chose a jailli. Je l’ai suspendue à une cimaise et j’ai envoyé sa photo à Simon. Vos ressorts font le mur !

Hé oh, pas mal ! il m’a répondu dans la foulée. Bravo pour votre créativité. Si j’ai d’autres choses à donner, je penserai à vous.

Et maintenant tu vas faire quoi de tous les ressorts restants ?

Un perchoir à oiseaux.

Le diable est facétieux.

 

livre

La passeuse de livres

Je l’attendais à la sortie de ma station de métro. Elle est arrivée avec un sourire sur les lèvres et un bouquin dans la main.

Je l’ai rencontré sur Geev, une appli pour favoriser les échanges d’objets et alimentaires. Un bon plan anti-gaspi. Adepte depuis longtemps du don, j’en ai déjà parlé, j’ai découvert il n’y a pas très longtemps ce dispositif bien plus pratique que les mises en relation par mail. N’y voyez aucun prosélytisme de ma part, juste une explication du contexte dans lequel j’ai rencontré celle que je vais appeler Céline.

livreSur l’appli, elle proposait un ouvrage de Yasmina Reza, l’un de ceux que je voulais justement acheter. Alors j’ai attendu quelques jours pour me déclarer, afin de ne priver personne, et nous nous sommes retrouvées à une encablure de chez moi puisqu’elle passait justement par là.

C’est un livre très agréable à lire, vous verrez, avec toute une série de personnages et de petites histoires, m’a-t-elle dit en me remettant le Folio. Vous donnez vos livres après les avoir lus ? lui ai-je demandé. Elle m’a répondu qu’en effet, elle trouvait cela plus intéressant de faire circuler les belles histoires plutôt que de les empiler chez elle. Qu’elle était ravie de partager le plaisir qu’elle avait à lire.

Elle souriait, Céline, en m’offrant son livre. Je lui ai répondu que je donnerai à mon tour ce Poche après l’avoir lu, qu’ainsi il poursuivrait sa route. Et nous nous sommes dit au revoir. Passeuses de livres, heureuses parmi les heureuses.

 

écriture

Atelier récréatif

Un atelier d’écriture créative au bureau, je l’ai fait !

Animer un atelier d’écriture, j’y songeais depuis un moment déjà. Pour plus tard. Dans cette perspective, j’ai passé des heures à chercher la bonne formation de formateur, en vain. Je m’imaginais rejoindre une structure associative, animer un atelier dans une forme classique, avec des écrivants au long cours.

Mais c’est la vie qui décide. Toujours.

« Pense à ce que tu aimerais faire et applique-le dans ton job » m’a conseillé en fin d’année dernière une amie lorsque je me plaignais de mon manque d’intérêt pour mon nouveau poste.

Ecrire, c’est ce que j’aime à n’en pas douter. Découvrir des personnalités aussi. Partager, stimuler, encourager tout autant. Alors j’ai osé.

J’ai osé proposer à mon entreprise un atelier d’écriture. Il m’a fallu entrer au chausse-pied dans le format des animations de la pause déjeuner. Une demi-heure. M’adapter au contexte. Ecrire en plein milieu de journée entre deux réunions techniques serait ardu pour n’importe quel écrivain chevronné, alors pour un débutant…

J’ai prévenu. C’est un test. Quatre collègues se sont présentés, stylo en main. L’écriture ré-créative, c’est quoi ça ?, on veut savoir. Ecriture créative sur un temps récréatif pardi !

écritureCinq semaines durant, ils ont planché sur des exercices. Chez eux. Ils se sont donnés, croyez-moi, se sont découverts des trésors d’imagination – et nous avons bien ri quand ils les ont partagés – et un talent insoupçonné. Des envies surtout. Celle de poursuivre l’écriture. Celle de continuer à partager leurs difficultés et leurs élans, d’être encouragés et stimulés par de nouveaux exercices. Ils en redemandent, je suis ravie.

D’autres collègues m’ont fait signe. On a manqué ton atelier. Quand est-ce que tu en proposes un autre ?

Quand j’aurai trouvé le moyen de poursuivre l’activité avec mes défricheurs tout en accueillant de nouveaux arrivants. Très bientôt assurément parce qu’ils me manquent déjà ces apprentis enthousiastes.

Image par tookapic de Pixabay

invader

Invasion

Oh, un Space Invader ! Je fais la maligne auprès de la copine qui m’accompagne dans cette visite de l’expo d’art contemporain à la patinoire de Saint-Ouen. Mais je dois vous l’avouer, Invader je ne le connais pas depuis bien longtemps. C’est dans un bus que je l’ai rencontré !invader

Il y a un an ou deux peut-être, trois au maximum, j’avais décidé de prendre le bus pour me rendre à un rendez-vous dans le nord de Paris. Je devais avoir l’esprit joueur ce jour-là. Evidemment, le bus a lambiné  et je suis arrivée en retard, mais par le métro je n’aurais pas appris cette histoire, comme quoi… Je m’égare, revenons aux faits.

Les deux femmes

A côté de moi, dans le bus donc, deux femmes parlaient. La plus âgée dit « On y arrive, vous voulez que je fasse la photo, je sais où il est, je saurai faire vite. » Je me demandai ce qui pouvait valoir une photo dans cette rue quelconque du 12e arrondissement.

La femme prit le téléphone de la plus jeune et visa la devanture d’une boulangerie. Une boutique qui n’avait rien de bien particulier. C’est alors que je la vis, la petite mosaïque apposée sur le pignon bien au-dessus du store rayé déroulé à l’horizontale.

Semblable dans l’esprit à celle qui se trouve dans mon quartier, apparue sur un immeuble il y a longtemps déjà sans crier gare. Et dans laquelle je n’avais jusqu’alors vu qu’une profanation de façade. Mais qui s’est amusé à coller des carreaux ainsi ? je m’étais dit. Et même : Il est gonflé, on ne décore pas un mur qui n’est pas à soi, il n’a pas eu peur de se faire choper. Ca ne passe pas inaperçue une échelle de plusieurs mètres de haut, même la nuit !

La mosaïque y est restée, et je me demandais comment elle pouvait avoir été aussi bien acceptée par les habitants de l’immeuble, ayant même survécu à un récent ravalement de façade.

« Il y en un autre bientôt, vous allez voir ! » clama la photographe providentielle. Je compris à leurs échanges que les deux femmes ne se connaissaient pas, que la jeune visitait la capitale alors que la quadra y habitait.

Je leur fis un sourire en leur désignant une mosaïque murale au-dessus d’une crèche, une cigogne je crois. C’est celle-là que vous cherchez ?

Non, c’est une imitation, s’accordèrent-elles sans hésitation. Et comment reconnaît-on les vrais des faux ? demandai-je ingénument.

L’invasion est là

C’est alors qu’elles me parlèrent d’Invader et de ses Space Invaders, du site qui les recense partout dans le monde, du challenge qui consiste à en  collectionner les photos.

Et là m’est apparue la Béotienne que j’étais, dans toute la splendeur de son ignorance. Qu’est-ce que ça rapporte de collectionner les vues ? demandai-je. Des points, c’est tout, c’est un jeu. On peut prouver qu’on les a regardées en vrai.

Alors je me suis souvenue d’avoir partagé mes interrogations avec un jeune, après avoir remarqué d’autres figures que celle de mon quartier fleurir sur les murs de la ville. Qu’est-ce que ça signifie ce machin sur le mur ? Et obtenu une réponse qui m’avait laissée perplexe. Quelque chose comme, tu la photographies et tu vas sur le site Internet. J’en avais déduit qu’il s’agissait d’un genre de QR Code qui donnait des informations, même si je ne voyais pas du tout comment cela pouvait fonctionner.

Mes joues s’empourprèrent à ce souvenir. Que les fans d’Invader pardonnent mon égarement, que la planète du Street Art ne me condamne pas, je venais de me prendre une claque !

Maintenant, tel David Vincent, un vague cousin peut-être que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître, j’en vois partout des envahisseurs. Il faut dire que la capitale en compte des centaines des Space Invaders pixelisés. Deux dans mon seul quartier, et j’ai vérifié ils sont authentiques. Avis aux chasseurs !

Photo ci-contre : Office du tourisme de Vincennes

Autre article sur le street art : Ememem

boite a tabac ancienne

La boîte à tabac

boite a tabac ancienneDans ma bibliothèque cette kitchissime tête de marin. Une boîte ancienne offerte par un oncle en souvenir de ses parents il y a longtemps déjà. C’est elle qui m’a inspiré ce passage dans  Point à la ligne :

Adrienne parcourt du regard les bibelots alignés. Des bougeoirs, une lampe à pétrole, des bonbonnières, des vide-poches, des cendriers, des statuettes. Elle s’accorde d’en conserver seulement trois et son choix se porte d’abord sur la boîte en fine porcelaine représentant une tête de marin coiffée d’une casquette, avec le nom Deauville écrit sur la visière. Marcel et elle avaient tellement ri de cette tête grisonnante et barbue, pipe à la bouche, en imaginant Marcel ainsi quelques décennies plus tard, qu’ils l’avaient achetée. C'était lors de leur premier voyage ensemble, son mari et elle. Son second mari à vrai dire.

J’ai découvert depuis qu’il s’agit d’une boîte à tabac. Adrienne ne pouvait l’ignorer.

Bizarres rencontres

Des rencontres bizarres, on en fait tous. J’ai déjà parlé du drôle de montagnard du métro. Mais il y a quelques semaines, ce fut un âne, tiré par une jeune femme  avenue Daumesnil à Paris. Plus récemment, près de la station Chevaleret un homme simplement vêtu d’un slip et d’un pull, dont le visage était barbouillé de blanc, comme à la gouache. Et ce matin, dans le métro, une fillette dont la tête m’évoqua celle d’un jeune renard. Yeux ronds, petit nez, menton court et oreilles pointues.

Sur l’instant chacune de ces rencontres me renvoie à la récurrente interrogation sur la possibilité d’existences parallèles. Ces gens-là viennent-ils d’un autre monde, d’un monde fantastique qui cohabiterait avec le nôtre ? Qui ferait que tout est encore plus possible , le meilleur comme le pire, tel que Marie, l’héroïne de mon roman Merci Gary, le découvre ?

Extrait :

Marie, déjà revenue dans le séjour, l’entendit à peine. Elle ouvrit la baie vitrée. S’appuya sur le muret de brique entourant la terrasse, comme pour reprendre son souffle après avoir manqué d’air. Jetant un œil à la courette arborée en contrebas, elle y aperçut un chat blanc qui la traversait. Sa course lui parut bizarre, il bondissait comme un lièvre. À cet instant, un hululement de chouette retentit à proximité. Elle ne s’en étonna pas plus. Rien, ce jour-là, ne pouvait la surprendre au-delà de ce qu’elle était en train de vivre à l’instant.

Image Pixabay

Deux millions moins un

Il y aurait deux millions de possesseurs illégaux d’armes, commenta ma mère après avoir découvert l’article de son journal favori sur la campagne de désarmement.
Deux millions moins un, ils n’ont pas actualisé leur chiffre, j’ai répondu.
Si tu avais attendu un peu, on aurait pu aller dans un Armodrome.
Un Desarmodrome, plutôt, mais on aurait manqué la rencontre avec l’armurier et la gendarme Cadillou. Cela aurait été moins drôle
Et, dans un ultime souffle de rancune, j’ajoutai : Tu vois bien qu’il fallait s’en débarrasser de ces fichues pétoires, si La Dépêche le dit.
Retrouvez le récit : Chez l’armurier
A la gendarmerie, récit à venir. Pour le recevoir dans votre boite mail le mois prochain, inscrivez vous à ma newsletter.
Photo empruntée à la Dépêche du Midi

Jolies reprises

Réparer en soulignant ses blessures plutôt qu’en les masquant, j’aime cette idée, ces actes de résilience.

C’est le principe du Kintsugi, cet art japonais millénaire, qui consiste à réparer une faïence ébréchée par un ajout d’or. Je n’ai pas encore testé mais ça me titille.

C’est aussi celui du raccommodage créatif avec des reprises apparentes. Ca fait bien longtemps que mes vêtements préférés n’y échappent pas !

C’est encore le cas du tatouage qui joue avec les cicatrices. Il pourrait bien me tenter celui-là aussi, parce que, des cicatrices, je n’en manque pas. Mais ce sera pour plus tard… ou jamais.

Dans cet esprit, je viens de découvrir les reprises de trottoirs en mosaïque d’Ememem. Mais comment ai-je pu échapper à cette information jusque-là, moi qui adore les mosaïques ? J’ai eu envie il y a quelques années de me lancer dans une mosaïque en miroir pour « réparer » un parquet abimé. J’ai renoncé et c’est bien dommage. Ememem a osé et avec quel talent ! De petits rayons de soleil dans la grisaille du béton. C’est sublime, poétique et coloré, j’adore !

J’espère bien en voir une pour de vrai un jour dans une rue de la capitale, ou ailleurs.

Connaissez-vous d’autres façons de réparer artistiquement sans cacher ? Je suis impatiente et curieuse de les connaître (en commentaire s’il vous plait !).

Photos empruntées (sans permission, ce n’est pas bien, alors je vous joins les liens) aux sites d’esprit kintsugi, des éditions Saxe, de Itek et d’Ememem.

Le peintre et les abeilles

Ce pourrait être le titre d’une nouvelle, c’est celui d’une rencontre : Stéphane Illand et la peinture à la cire d’abeille.

Stéphane peint avec talent la nature, les animaux comme les végétaux. je suis son travail depuis quelques années déjà et il m’a fait le bonheur, en 2018 je crois, d’exposer quelques toiles dans les locaux de l’asso que je dirigeais pour le ravissement de nos visiteurs.

Passant d’un champ large à un détail infime, il écrit la nature avec son pinceau, nous montre comme elle est chatoyante et surprenante.

Récemment, il s’est converti à la peinture à la cire d’abeille, délaissant l’acrylique. Une façon pour lui d’aller plus loin dans son engagement de naturaliste.

Le chemin est ardu, la cire d’abeille pigmentée difficile à trouver, la technique à maîtriser, explique-t-il, mais le résultat est bluffant. J’ai eu plaisir à l’apprécier de près lors de sa première expo à Paris dans une galerie du côté de Raspail. Gageons que d’autres suivront très vite et que la cote de l’artiste va grimper !

Pour boucler la boucle, comme on dit, je te suggère, Stéphane, de peindre une aile d’abeille avec le sens du détail et de la couleur qui te caractérise. Pour une prochaine expo ?

Site de Stéphane Illand, artiste-peintre