Depuis plus de 1000 jours

Il y a trois ans un cancer du pancréas m’était diagnostiqué. Taux de survie à 5 ans, 11%, ça fiche un coup sur la tête. Pourtant jamais au cours de ces plus de 1000 jours je n’ai cessé de croire en ma bonne étoile.

Aujourd’hui je vais bien. Le petit renflement sous ma clavicule droite, là où a été implantée une chambre d’injection, me rappelle quotidiennement qu’une récidive est encore probable, c’est mon Memori à moi. Je me souviens, mais la vie est la plus forte.

Plus que jamais, je suis reconnaissante envers le corps médical qui m’accompagne, le système de prise en charge français, mes amis et ma famille qui m’entourent. Merci à tous !  Et à mon étoile aussi, merci.

Image par Florian Pircher de Pixabay

Feuilles d’automne

Des monceaux de  feuilles partout, c’est l’automne qui se déshabille pour laisser l’hiver endosser son manteau de givre et de neige.

J’aime marcher sur ces tapis marron mordoré, soulever quelques feuilles à chaque pas, shooter dedans, les entendre craquer. Elles sentent les champignons, la tourbe et les feux de cheminées.

Et parfois aussi les ramasser.

Mais tout le monde ne les aime pas. Je viens de rencontrer un train de marchandises qui ne les appréciait pas du tout. Je vous le raconterai dans quelques jours, promis !

Mauvais coups de dés

Nous connaissons tous des moments galère où rien ne semble fonctionner comme il faudrait. Je vous ai déjà raconté un voyage en train émaillé de péripéties. Il y a quelques jours, j’ai à nouveau connu une paire d’heures embarrassante.

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En panne de drogue depuis une petite semaine, je partis en sifflotant, bravant la pluie et le vent, me réapprovisionner dans le quartier chinois de Belleville. N’ouvrez pas grand les yeux, je n’ai pas dit à Barbès ou La Villette ! Il y a drogue et drogue. Pour ceux qui l’ignorent, mes drogues à moi sont au nombre de trois, au moins, l’optimisme, le chocolat et une décoction de plantes que me prescrit un praticien en pharmacopée chinoise, et que je ne peux acheter que dans une herboristerie spécialisée.

RER plutôt que métro

Premier obstacle de cette virée dans le nord-est parisien, un rideau de fer devant ma station de métro. Coup d’œil à l’appli de la RATP, que j’aurais dû consulter avant de quitter mon domicile, coupure de la ligne sur quelques stations en raison « d’un malaise voyageur ». Reprise du trafic annoncée dans la demi-heure. Jamais encore vu ça, qu’une station ferme pour un simple malaise, c’était louche.

Je revins sur mes pas pour prendre le RER. A Nation, je bifurquai sur la ligne 2. Tout allait bien jusqu’à ce qu’une femme s’assoie face à moi et se mette à tousser par à-coups comme un vieux diesel – c’est du moins l’idée que je me fais de ce type de véhicule. Je crois l’avoir regardée de travers avant de sortir un masque de mon sac. J’aurais dû me protéger avant…

Porte close à Belleville

Dans le 20e asiatique, toujours la même agitation. Il faut supposer ce quartier, comme d’autres, imperméable aux aléas climatiques. En remontant la rue de Belleville, j’observai à nouveau l‘oeuvre de Ben, constatai que l’accrochage de la pancarte n’était toujours pas terminé (c’est fait exprès ? Ah bon !). J’avais encore le nez en l’air quand je me heurtai à une deuxième porte close, celle de l’herboristerie.

En l’absence d’affichage, j’appelai Google à l’aide. Il ne ferme jamais sa porte celui-là. Ouverture réduite cette semaine à quelques heures par jour du lundi au jeudi. Et on était… vendredi ! Pas de chance.

Je repassai devant l’accrocheur velléitaire de pancarte sans le regarder tout à mes pensées sombres.

Ni métro ni RER

Je repris le métro dans l’autre sens sans oublier cette fois de cacher mon visage derrière un masque. En arrivant à Nation, je regardai l’heure et, la demi-heure étant très largement passée, me dirigeai vers la correspondance de métro. Mais  un ruban de plastique rouge et blanc m’arrêta net. Mince. Le « malaise voyageur » n’était pas terminé. Il a dû mal tourner, je me dis, tout en repensant à la grille devant ma station de métro… C’était pas un malaise, c’est tout. Encore un bobard de la RATP.

Quelles que soient les raisons de la fermeture, il me fallait reprendre le RER.

Je rebroussai chemin encore une fois. Mais là encore mes pas furent stoppés par un ruban dont le rouge criait lui aussi Ne me franchissez pas sous peine de  sanction !

Pas d’autre solution que de remonter à l’air libre où le vent et la pluie me fouettèrent le visage. J’aurais dû chausser des baskets plutôt que des mocassins légers. Et me vêtir un peu plus chaudement. Mauvaise appréciation. J’avais faux sur toute la ligne.

Un bus en sauveur

Il me restait un peu plus de deux kilomètres à parcourir pour retrouver la tiédeur de mon appartement. L’arrêt de bus le plus proche était blindé de silhouettes encapuchonnées et gonflées par les épaisseurs de lainage ou le vent. Un bus direction Château de Vincennes était annoncé dans les cinq minutes. Coup de chance.

Les pieds gelés, me cachant derrière des cirés pour éviter les éclaboussures, j’attendis parmi les voyageurs en peine qui s’interrogeaient Mais qu’est-ce qu’il se passe ? Ils ont dit qu’il y avait quelqu’un sur la voie, dit l’un. Un malaise voyageur, non ? dit un autre. Moi j’ai entendu Accident grave, objecta le troisième. Mais le RER et le métro ne passent pas par la même voie, observa le quatrième. Comme moi, ils n’ en savaient rien et toutes les suppositions étaient possibles.

Quand le véhicule se présenta, je jouai des coudes, marchai à petits pas comme un manchot, coincée dans la foule, pour y monter.  Serrée mais au sec, je regardai d’un air compatissant les malheureux  restés sur le trottoir. Un bus suit dans deux minutes, leur lança le chauffeur. Je me réjouis pour eux. Mais je déchantai presque aussi vite. Vous avez bien compris que le terminus est Cours de Vincennes ? Des voix s’élevèrent. On n’avait rien compris du tout, c’était quoi ça encore ! Le prochain bus, c’est pareil. Terminus Cours de Vincennes. Le brouhaha se poursuivit le temps que le bus reprenne sa route. Personne n’était descendu.

Il y a dans le Parisien standard un ressort de cassé, celui de l’indignation du quotidien. Il râle, il bougonne, il est triste, c’est sa façon de résister, lui qui ne trouve même plus anormal de passer une heure dans un bouchon sur le périphérique, deux heures dans le train pour traverser la ville, de rentrer chez lui après 22 heures, de parcourir à pied deux kilomètres pour palier les ruptures de transport en commun. Un quotidien exténuant, des conditions regrettables dont il s’accommode.

Quelques centaines de mètres plus loin, les portes du bus s’ouvrirent. Terminus !

Marcher en dernier ressort

Tous les passagers descendirent sans rechigner, sans même interpeler le chauffeur. Preuve qu’ils digèrent vite. Des têtes se tournèrent, à droite, à gauche, pour tenter de saisir un providentiel moyen de poursuivre la route. Et la foule s’ égrena.

Il me restait un gros kilomètre à parcourir. Je tirai ma capuche en avant, rangeai mes lunettes dans ma poche, acceptai pour de bon que mes chaussures fassent baignoire et  le bas de mon pantalon serpillère, et j’avançai d’un bon pas.

Un détour chronophage

Mouillée pour mouillée, je jugeai préférable de faire un petit détour par ma supérette de quartier pour ne pas avoir à ressortir en fin d’après-midi. Besoin de trois bricoles, et de chocolat aussi, vous l’avez compris, en bonne camée. Ca n’aurait dû me  prendre que cinq minutes, mais c’est toujours pareil, les bricoles s’aimantent. On en saisit deux et y’en a douze qui vous sautent dans les mains ! Pire que des puces.

Je me présentai enfin à une caisse automatique, un miracle qu’elle soit disponible,  les bras chargés et m’appliquai à scanner les articles les uns après les autres avant de les poser sur le plateau, tandis les files s’étiraient aux caisses manuelles. J’étais ravie de ma bonne fortune, j’allais pouvoir rentrer chez moi sous peu.

De file en file

C’est quand il fut question de payer que l’affaire se gâta. Carte refusée. Carte refusée. Hors service. Trois essais et au revoir ! Au-dessus de la caisse, la lumière verte rougit de colère, alertant le vigile. Encore ! dit-il. Elle bugue depuis ce matin, il vous faut changer de caisse, je n’ai pas d’autre solution. Nous balayâmes du regard les autres caisses. Sur les six, cinq étaient désormais en panne. Et une douzaine de personnes attendaient leur tour.

Je fis signe au vigile, quémandant un passe-droit. Placez-vous derrière le monsieur, m’accorda-t-il conciliant.  Mais heu…, vous pouvez payer en espèces ? Cette caisse n’accepte plus les cartes bancaires.

Je crois bien ne pas avoir répondu, même pas cillé, juste adopté un air de chien battu, avoir repris tous mes articles et être allé grossir la file de la caisse manuelle la plus proche. Je ne dis pas que l’envie d’abandonner tous mes achats sur un bout de gondole ne m’a pas effleurée. C’est peut-être le chocolat qui m’a fait tenir ou encore la perspective de rentrer bredouille-de-chez-bredouille. J’ai attendu stoïquement que mon tour arrive en regrettant de ne pas opté pour une caisse manuelle dès le début. Mauvais coup de dés.

Enfin !

Je finis par atteindre la caisse, par rentrer chez moi, aussi fatiguée que trempée. Je fis chauffer de l’eau pour le thé. Et engloutis la moitié de la tablette de chocolat.

Alors seulement je me dis qu’il fallait voir le bon côté des choses. J’avais bien marché, les nappes phréatiques se remplissaient, j’échapperai peut-être à quelconque contamination microbienne, la panne dans le métro n’était certainement que technique et ce goûter avait une saveur bien douce.

Photo : Michael Schwarzenberger de Pixabay

 

 

Mieux que des bonbons

Des livres pour enfant vendus 80 centimes à la sortie des écoles. C’est franchement mieux que des bonbons pour dépenser son argent de poche (et que les parents qui achètent des bonbons revoient leur copie aussi !) !

J’ai lu cette information dans La lettr’Optimiste de la Ligue des optimistes de France. Un rayon de soleil hebdomadaire que cette missive, que je lis depuis des années, porteuses de belles initiatives. Il y est donc question de l’association Lire c’est partir qui propose à la sortie des écoles, en itinérance, des livres pour enfants à tout petit prix pour promouvoir la lecture. L’association compte aussi quelques dépôts en France.

Moins d’un euro, c’est tout juste le prix de fabrication de l’ouvrage si je suis bien le discours de l’association. On pourrait débattre sur ce système. Ne vient-il pas entraver encore un peu plus la vente classique qui fait (mal) vivre auteurs et libraires ? Est-ce que les dentistes ne vont pas faire la gueule ? N’est-ce pas favoriser encore un peu plus le dérèglement climatique que d’utiliser du papier ?

Mais je dis bravo sans réserve. Les bienfaits de la lecture sur les enfants sont si évidents qu’il n’y a qu’à souligner le travail de cette association et souhaiter que les livres, peu importe d’où ils viennent, passent de petites mains en petites mains, se voient usés, cornés, tachés, déchirés… pour déposer dans les esprits de jolis petites graines de curiosité et d’imaginaire prêtes à germer.

Image par 10302144 de Pixabay

Le secret de la manufacture de chaussettes inusables

Il y a quelque temps, dans les rayonnages de l’entrepôt Emmaüs de Cahors, j’ai dégoté ce roman : Le secret de la manufacture de chaussettes inusables. Un drôle de titre et une couverture haute en couleur pour attirer le regard, un coup d’œil à la 4e de couverture – Ah oui, Annie Barrows, l’auteure de Le cercle des amateurs d’épluchures de patates, un roman épistolaire dont je garde un excellent souvenir – et j’ai empoché le roman.

Et je ne le regrette pas ! J’ai avalé les plus de 600 pages de cette saga familiale qui nous plonge dans la vie d’une petite ville d’Amérique lors de l’été caniculaire de 1938. La famille est celles des Romeyn, les anciens propriétaires de la manufacture de chaussettes, incendiée dans d’étranges circonstances. Cette famille pour le moins originale héberge dans sa grande maison une jeune femme de bonne famille forcée de travailler à la rédaction de l’histoire de la ville.

J’ai été littéralement entrainée par le récit, ses personnalités attachantes, le secret qui se dévoile peu à peu, le ton humoristique et l’instructif tableau de la société d’alors.

J’ai laissé ce livre à ma mère, j’espère qu’elle l’appréciera autant que moi !

 

Reprises en azulejos

La semaine dernière, je vous ai parlé du travail de Jan Vormann qui rafistole les monuments avec des plaques de lego. En y citant l’oeuvre d’Ememen, et sa façon bien à lui de réparer les trottoirs avec de la mosaïque, cela m’a rappelé un article de radio France,  signalé par mon amie Nicole (dont je vous parle souvent) à la suite justement de mon post sur cet artiste.

Il y est question d’une autre initiative de réparation de la chaussée, cette fois-ci par un collectif de femmes, les K-releuses, qui oeuvrent dans le nord-est de Paris, le long du canal de l’Ourq, avec des carreaux qu’elles fabriquent dans l’esprit Azulejos. La ville de Pantin en parle aussi.

Je m’étais promis d’écrire quelques lignes sur ce blog après être partie aux beaux jours sur les traces de ces carreaux bleus et blancs. Je ne les ai toujours pas vus de près mais l’envie est toujours bien ancrée dans mon esprit. Les initiatives de street art telles que celles-ci, vraiment, je trouve qu’elles embellissent la ville et la vie.

plage

Vagues à l’âme

Éliane s’est assise sur le sable, les mains en arrière, les yeux tournés vers la mer. C’est sa vie pourtant qu’elle regarde, une vie de vides. Elle ignore comment elle en est arrivée là, peu à peu tout s’est raréfié autour d’elle. Et ce qui subsiste c’est figé.

Ses parents sont morts il y a quelques années, son frère parti vivre au Canada avec sa nouvelle compagne. Et chez elle, les hommes sont passés sans s’arrêter. Et encore, c’était il y a longtemps.

Les amis aussi se sont envolés, comme une nuée d’étourneaux, au fil des ans, tous désormais à la retraite, comme elle. Repartis dans leur région natale, mutés dans une autre région, partis s’installer auprès de leurs enfants. Ils lui ont dit que ce n’était qu’un Au revoir, que leur porte lui restait grande ouverte, qu’ils seraient heureux de l’accueillir pour quelques jours de vacances et que certainement ils reviendraient eux aussi lui rendre visite.

Un jour, elle a appelé l’une de ses amies, nouvellement installée en Bretagne. Je passe pas loin de chez toi, on peut se voir ? Avec plaisir, elle a répondu, on profitera du jardin.

Son amie Amélie

Amélie s’était mise en quatre pouramie la recevoir. Visite de la maison et du jardin passés à la brosse à reluire, cuisine à base de produits locaux IGP, barbecue qui en met plein la vue. On est super bien ici, on revit. Et toi alors, qui c’est que tu voies que je connais ? Donne-moi des nouvelles.

Les nouvelles avaient été vite données, Éliane ne voyait plus grand monde. Elle ne quittait plus guère le Val d’Oise d’ailleurs, et c’est en se poussant à grands coups de Bouge-toi-ma-fille-ou-tu-mourras-seule, qu’elle s’était décidée à prendre un train pour Rennes. Elle était arrivée dans la matinée le cœur gonflé d’espoir.

Mais le déjeuner terminé, tous les sujets de conversation courante abordés, son amie l’avait laissée partir avec une boîte de sablés fait-maison dans le sac à main. Ça m’a fait plaisir de te revoir. C’est vraiment gentil de t’être arrêtée chez nous, passe de bonnes vacances ! Et n’hésite pas à repasser au retour.

Éliane avait repris le train du soir pour rentrer chez elle, avec un gros cafard en guise de valise. Quelle mouche l’avait piquée ? Franchement ces vacances bidon pour s’inviter chez Amélie, c’était pitoyable.  Elles n’avaient plus rien à se dire. Avaient-elles seulement été amies un jour ? De simples proches collègues proches plutôt, pas plus.

D’ailleurs comme elle le pressentait, son « amie » ne lui avait plus donné de nouvelles depuis, ne lui avait même pas envoyé un sms durant ses « vacances » supposées pour voir comment elles se passaient. Si elles se croisaient à nouveau, certainement repartageraient-elles un moment convivial, mais il n’y avait plus aucune raison désormais pour qu’elles se revoient, toutes à leurs vies bien distinctes désormais. L’amitié c’est comme les maisons, ça s’entretient, pensa Éliane. Il faut régulièrement aérer, balayer, dépoussiérer, rénover et graisser ce qui coince. Sans cela, on croit que la structure tient mais quand, un jour, après s’être enfin décidé à y entrer, s’être dit après avoir fait le tour de la maison Y’a du boulot mais je vais m’y atteler, l’on ferme la porte, la maison s’écroule. Comme l’amitié qui n’attendait qu’un dernier signe pour lâcher. Trop de vieilleries, pas assez d’encaustique.

La mer pour horizon

Éliane vient d’acheter un deux-pièces au bord de la Méditerranée. La mer l’a toujours attirée. Peut-être parce qu’il est plus légitime depuis la côte de se sentir sans amarre, ballotée par les éléments. Peut-être parce que les manques se ressentent moins sous un ciel bleu. Peut-être parce que cette immensité vierge et plate lui fait miroiter des perspectives d’avenir.

Elle regarde la ligne d’horizon. Tout en sachant que la terre est ronde, elle peine à se défaire de cette impression qu’en fonçant droit devant elle, elle atteindrait un point de bascule comme au bord des chutes du Niagara qu’elle a visitées il y a trois années-lumière. Un coup de rame de trop et elle chuterait dans le néant. Comme elle envie tous les explorateurs qui n’ont eu de cesse de trouver ce point de rupture bravant le danger.

Le chien qui gratte le sable

Toute à ses rêveries, elle tarde à percevoir ce quelque chose qui lui chatouille la main droite. C’est un petit chien blanc et poilu qui furète près de ses doigts, qu’elle n’a pas senti s’approcher et dont elle discerne maintenant le halètement et le crissement des pattes s’activant dans le sable.

Machinalement, elle saisit un petit morceau de bois flotté et le lance à quelques mètres. L’animal court le ramasser, et le jeu recommence. Éliane s’attendrit devant ce jeune chien sans maître qui la distrait de ses pensées.

Elle s’apprête à relancer encore une fois le bout de bois quand une voix, dans son dos, l’interpelle. Vous n’aurez jamais fini avec lui, il adore ça !

La femme lance une balle jusqu’au bord des vagues. Le chien s’élance comme un fou à sa poursuite et bataille joyeusement avec l’eau qui lui lèche les pattes avant de saisir la balle mouvante.

Bonjour ! vous venez de faire la connaissance de Milou, mon chien. Il a un an à peine et plein d’énergie à dépenser.

La femme et la balle

Éliane met sa main en visière pour mieux voir la femme qui la surplombe. Allure dynamique, sourire engageant. La soixantaine comme elle.

Bonjour, répond-elle, en lui rendant son sourire. Il est adorable votre Milou.

Moi, c’est Nathalie, précise-t-elle en renvoyant au loin la balle que le chien vient de déposer à ses pieds. Le jeu va durer un moment, croyez-moi. Dès que Milou aperçoit la plage, il file la rejoindre. Un vrai bolide. Et il ne semble jamais se lasser de rapporter la balle. J’en ai plus vite assez que lui. On a l’habitude d’aller jusqu’au ponton là-bas et de revenir.

Puis-je vous accompagner ? Ça me dégourdira les jambes et me divertira. Il est adorable votre chien. Je m’appelle Éliane et je viens d’emménager rue du centre.

Des centaines de pas, des dizaines de lancers de balle et quelques confidences plus tard, les deux femmes et le chien reviennent à leur point de rencontre.

Des perspectives annoncées

Quelle agréable matinée grâce à vous deux ! se félicite Éliane.

On passe rue du centre pour rentrer chez nous, ça vous dit de poursuivre un peu à nos côtés ? propose Nathalie. On pourra vous faire signe en passant demain matin si vous aimez les promenades sur la plage.

Bien volontiers ! répond Éliane en affichant un large sourire, mais c’est tout son corps qui rayonne.

La solitude est contagieuse, proclament des chercheurs. Le bonheur aussi, se dit-elle tandis que dans les fibres de son cœur elle sent qu’une histoire d’amitié est en train de se construire.

Elle en doutait, elle a eu tort. Elle a bien fait de rendre visite à Amélie. Tout comme de déménager, de lancer le bout de bois flotté à Milou, d’accompagner Nathalie jusqu’à la cale de planches… C’est plus que l’amitié qui s’entretient, qui se rénove, c’est la vie et il était grand temps de commencer la résurrection de la sienne.

Photos prises à Leucate en octobre 23

Méfiance

Méfiance ? Oui, des mots.

Mais pourquoi donc ?

Les mots blessent, endorment l’esprit, envoûtent, pervertissent, trompent, dénoncent, assassinent, déçoivent, attristent, peuvent nous faire crier de douleur ou d’indignation, être des ennemis, des usurpateurs, des snippers, des félons, des ingrats…

Les mots peuvent aussi être ensorceleurs, cajoleurs, câlins, complices, amis, dépaysants, entrainants, galvanisants, nous donner la pêche, nous faire rire, pleurer de joie, danser, hurler de bonheur, nous divertir, nous apaiser, nous ouvrir des ailleurs, nous sauver.

Les mots sont tout, je vous laisse poursuivre ces listes en commentaire.

Photo prise rue de Belleville à Paris.

 

La patience des traces

Dans La patience des traces, Jeanne Benameur nous embarque dans un processus de résilience, jusqu’à la réparation, grâce à la métaphore d’un bol cassé et de la technique du Kintsugi (une technique, que j’ai toujours autant envie d’apprendre). C’est au Japon dans la demeure d’un merveilleux couple que Simon, le héros, va se reconstruire. Une histoire tout en douceur et lenteur, une ode à la méditation, au silence et à la contemplation.

Merci à mon amie Diane de m’avoir fait découvrir cette talentueuse autrice et conseillé ce joli roman que j’ai, dès la dernière page tournée, racheté pour l’offrir.

Quand on aime, on persiste, j’ai enchainé avec Les mains libres de la même autrice, une œuvre que j’ai ressentie comme un poème plus qu’une roman. Avec toujours cette lenteur, cet immobilisme dans l’histoire qui permettent paradoxalement d’avancer.